David Kadouch joue les musiques de Madame Bovary


 

Après la très belle et intéressante conférence-concert donnée à l’auditorium de Poitiers (https://lyriqueinfo.blogspot.com/2023/03/pianos-piano-une-conference-concert.html), c’est David Kadouch qui s’installe devant le Steinway resté sur la scène de la salle pictavienne. Le jeune pianiste va jouer quelques unes des œuvres dont Gustave Flaubert (1821-1880) a jalonné son roman Madame Bovary. La particularité de ce programme c’est que l’on y trouve essentiellement des compositrices, très connues de leur vivant mais tombées dans l’oubli presque aussitôt après leur décès. Ainsi l’on se souvient de Pauline Viardot (1821-1910) seulement comme une artiste lyrique, alors qu’elle a laissé un corpus vocal et instrumental imposant (je rappelle entre autres œuvres, les mélodies russes dont j’ai parlé ici : https://lyriqueinfo.blogspot.com/2021/09/les-melodies-russes-de-pauline-viardot.html). De même Fanny Hensel-Mendelssohn (1805-1847) n’est plus connue que comme l’épouse de Félix Mendelssohn (1809-1847) … Ce sont donc autant d’occasions de (re)découvrir ces compositrices, trop longtemps négligées, qui n’ont rien à envier à leurs collègues masculins.


Si j’ai regretté que le public ait été si peu nombreux, j’ai apprécié les prises de paroles de David Kadouch qui a pris le temps de parler de Madame Bovary et de présenter, à peu près toutes les deux ou trois pièces, les œuvres qu’il allait jouer. Ce récital est à peu de choses prêt, la reprise du CD qu’il a enregistré au Théâtre Auditorium de Poitiers en 2022 et paru sous le label Mirare quelques mois plus tard. Ainsi, David Kadouch retrace l’évolution d’Emma Bovary à partir de l’œuvre de Fanny Hensel-Mendelssohn (1805-1847). Avec Mai, on est dans la joie et l’exaltation de la découverte, du bonheur tout neuf d’Emma tout juste mariée à Charles Bovary ; et d’ailleurs David Kadouch traduit avec talent l’émerveillement d’Emma. Jusqu’à mars, moins de deux ans plus tard, ou Emma, abandonnée par Léon et rejetée de partout, met fin à ses jours en s’empoisonnant à l’arsenic (« Flaubert étant fils de médecin en a décrit les effets [de l’arsenic] avec beaucoup de précision » nous dit David Kadouch). Dans cet intervalle de temps Kadouch interprète, avec talent les réminiscences de Lucia di Lammermoor de Franz Liszt (1811-1886). J’ai parlé de Pauline Viardot (1821-1910) comme mélodiste, mais en ce beau et froid samedi de février, c’est une sérénade de la dame que Kadouch nous a présenté.


C’est un récital de très haute volée que David Kadouch a présenté au public pictavien qui lui a réservé un accueil très chaleureux. La littérature et la musique font bon ménage puisque Flaubert a fort judicieusement distillé des œuvres charmantes et bien tournées de femmes de talents qui méritent grandement de revenir sur le devant de la scène. Ce très beau récital n’est pas sans rappeler celui de Shani Diluka qui a repris les musiques que l’on trouve dans « A la recherche du temps perdu » (https://lyriqueinfo.blogspot.com/2021/11/the-proust-album-la-pianiste-shani.html) de Marcel Proust (1871-1922).


Compte rendu, concert. Poitiers. Auditorium, le 25 février 2023. Fanny Hensel-Mendelssohn (1805-1847) : mai, septembre, juin, mars ; Pauline Viardot (1821-1910) : sérénade ; Louise Ferrenc (1804-1875) : air russe Varié ; Franz Liszt (1811-1886) : réminiscences de Lucia di Lammermoor (de Gaetano Donizetti[1797-1848]) ; Frédéric Chopin (1810-1849) : nocturne opus 9. David Kadouch, piano.


Crédit photo : Marco Borggreve


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