Les mélodies russes de Pauline Viardot servies avec talent par un beau duo voix / piano





De Pauline Viardot (1821-1910) l’on connaît surtout la fulgurante carrière d’artiste lyrique entamée en 1836, juste après le décès accidentel de sa brillante aînée Maria Malibran (1808-1836). Ce que l’on sait moins c’est qu’avant ses débuts d’artiste lyrique et après la fin de sa carrière, carrière qu’elle abandonna au fait de sa gloire en 1863, Pauline fut une pianiste de grand talent et une compositrice reconnue de son vivant. Aussi brillante que sa sœur trop tôt disparue, Pauline parlait couramment six langues dont le russe ; ce sont les poèmes d’Ivan Tourgueniev (1818-1883) qui était romancier, poète et nouvelliste, affectueusement surnommé « Tourguen », que Pauline mit en musique.

 


Ce sont ces mélodies, au nombre de trente-cinq, que la jeune mezzo-soprano alsacienne Lamia Beuque, accompagnée au piano par son complice Laurent Martin, a choisi de mettre à l’honneur dans son nouvel opus. D’entrée de jeu, on s’arrête sur l’important travail mené en amont de l’enregistrement tant sur la musique que sur le texte (travail mené avec Irina Ivanova) ; langue complexe tant par son alphabet très différent (l’alphabet cyrillique date du IXe siècle (il évolua une première fois au Xe siècle) du nôtre que par les multiples déclinaisons qui tendent bien des pièges au néophyte, le russe requiert une attention de tous les instants. Parfaitement préparée musicalement et textuellement Lamia Beuque s’empare de l’œuvre de Pauline viardot et donne à entendre de très belles choses. Lama Beuque dont nous avons déjà parlé dans nos colonnes à l’occasion de l’édition 2021 du festival de Saint Céré (https://lyriqueinfo.blogspot.com/2021/08/le-theatre-de-lusine-sert-de-refuge-aux.html) passe avec talent du bel canto romantique à la mélodie russe. L’implication de cette jeune et prometteuse artiste est total ; elle a préparé ce projet, un peu fou certes mais très ambitieux avec une minutie qui l’honore d’autant que, comme nous l’avons déjà remarqué, la langue russe est l’une des langues les plus difficiles à apprendre. Et la première chose qui retient l’attention de l’auditeur est la diction remarquable de Lamia Beuque qui rend justice à Tourgueniev. Musicalement, on ne peut qu’apprécier la belle voix ample de mezzo de Beuque : médium solide, graves quasi parfaits, aigus insolents ; la jeune femme a bien compris l’univers de Viardot et de Tourgueniev en utilisant des tempos et des nuances quasi idéaux et qui « collent » bien aux vers du poète russe. Au piano, c’est Laurent Martin, récitaliste chevronné et réputé qui accompagne Lamia Beuque. Les deux artistes, qui ont déjà travaillé ensemble, se complètent bien et sont attentifs l’un à l’autre. Si certaines introductions sont parfois un peu trop « frappées » sur le clavier, on ne peut que saluer la très belle interprétation de Martin qui sert avec talent la musique de Pauline Viardot. Quant à l’accompagnement, Laurent Martin, toujours vigilant, veille à ne pas couvrir Lamia Beuque qui peut ainsi donner vie aux poèmes de Tougueniev si bien servis par la musique de Pauline Viardot.


C’est un coffret inattendu que nous proposent Lamia Beuque et Laurent Martin. Si l’on parle principalement de Pauline Viardot en tant qu’artiste lyrique, ce beau coffret a le mérite de mettre sous le feu des projecteurs les mélodies de cette artiste hors norme qui a su, par ses multiples talents et son don remarquable pour les langues, elle en parlait six, se hausser à la hauteur des grands compositeurs du XIXe siècle et pas seulement en tant qu’artiste lyrique. Le second grand mérite de ce coffret est de mettre en avant une compositrice qui, comme tant d’autres musiciennes dont elle était la contemporaine, a trop longtemps été reléguées dans l’ombre de ses prestigieux confrères.


Compte rendu CD. Pauline Viardot (1821-1910) : intégrale des mélodies russes. Lamia Beuque, mezzo soprano ; Laurent Martin, piano. 2 Cds Ligia.


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