Nos dames : Théophile Alexandre et le quatuor Zaïde bouleversent les codes de la musique classique


 

Après un premier CD intitulé « ADN Baroque » paru en 2018 sous le label Klarthe Records, le contre ténor Théophile Alexandre vient de sortir un nouvel opus sous le label NoMadMusic : Nos dames. Pour cet opus original, il s’est associé au quatuor Zaïde qui prend la direction des opérations tandis que Théophile Alexandre interprète les rôles de femmes fragiles ou de femmes fatales dont le destin est peu enviable, souvent, heureux parfois. Ce qui étonne c’est la diversité des répertoires abordés dans cet album ; car Théophile Alexandre passe de la musique baroque à la musique moderne en passant par le XVIIIe siècle et la musique romantique italienne du XIXe siècle avec une certaine gourmandise. Mais Nos dames ce n’est pas seulement un CD ; c’est aussi un livre de toute beauté qui regroupe des entrevues réalisées avec des femmes exceptionnelles dont le nom a marqué l’histoire du XXe siècle et du début du XXIe siècle.


Un CD surprenant ...


Bien sûr, Théophile Alexandre ne pouvait ne pas mettre d’extraits de la période baroque qui est le cœur du répertoire de contre ténor. Et pourtant, avec seulement deux extraits, cette période si riche et diverse ne constitue pas le centre de ce récital car Théophile Alexandre s’est intéressé à toutes les femmes, dont les rôles ont été interprétés, pendant des siècles, par des castrats, aux destins certes variés mais presque toujours fatal. La chanson de Solveig [Peer Gynt / Edvard Grieg (1843-1907)], qui ouvre le CD, est interprétée avec simplicité ; Théophile Alexandre, très en voix est accompagné par le quatuor Zaïde qui mène la danse quant à l’accompagnement met la voix du chanteur en valeur avec talent. Et d’ailleurs, le quatuor Zaïde interprète la Barcarolle des Contes d’Hoffmann [Jacques Offenbach (1819-1880)] avec sensibilité ; le quatuor Zaïde adopte des tempi et des nuances parfaits et cette lecture de la barcarolle est remarquable. Les préludes de I masnadieri et de La forza del destino [Giuseppe Verdi (1813-1901)], également arrangés pour quatuor à cordes sont tout aussi parfaitement interprétés par le quatuor Zaïde. De tous les autres extraits d’opéras enregistrés sur ce CD je retiendrai Yo soy Maria extrait de Maria de Buenos Aires [Astor Piazzola (1921-1992)] car cet unique opéra de Piazzola est trop peu donné (je rappelle les représentations données au festival de Saint Céré en 2019 : https://lyriqueinfo.blogspot.com/2019/08/maria-de-buenos-aires-une-cloture-de.html) pour que chaque extrait enregistré soit mis en exergue. Dans les raretés au programme de Nos Dames, je note également Adieu forêts extrait de La pucelle d’Orléans [Piotr Illitch Tchaïkovsky (1840-1893)] fort bien interprété par Alexandre et le quatuor Zaïde.


Accompagné d’un livre magnifique


Le livre qui accompagne le CD Nos dames regroupe une série d’interviews de femmes aux destins exceptionnels. Et ils sont divers et variés ces destins ; de la philosophe à la chercheuse en passant par la musicienne (artiste lyrique, chanteuse de variété, cheffe d’orchestre, danseuse ...), l’actrice ou la grande couturière. Autant de visages, autant de rapports à la culture, autant de conseils qui permettent au lecteur de tracer sa route dans les divers univers d’un secteur en ébullition. De Catherine Clément à Macha Mackeieff ; de Juliette à Julie Fuchs ; du quatuor Zaîde à Laurence Equilbey … ce sont autant de témoignages qui font voyager le lecteur dans des univers particuliers et dans des choix de vie remarquable. Ce très beau livre mérite une attention particulière et d’être lu du début à la fin tant ces femmes sont surprenantes et quelque part sont des héroïnes, chacune à leur façon.


Si j’ai pu m’interroger sur certains extraits comme L’air fameux de la reine de la nuit, le CD que présentent Théophile Alexandre et le quatuor Zaïde n’en est pas moins très original et attire l’attention sur des raretés comme Maria de Buenos Aires d’Astor Piazzola (1921-1992) et La pucelle d’Orléans de Piotr Illitch Tchaïkovsky (1840-1893). Deux œuvres qui mériteraient grandement d’être montées sur les scènes françaises et/ou étrangères. Je ne peux que saluer cette très belle initiative en espérant qu’elle sera renouvelée très bientôt.


Compte rendu CD. Edvard Grieg (1843-1907) : la chanson de Solveig tiré de Peer Gynt ; Christoph Wilibald Gluck (1714-1787) : Che fiero momento (Euridice) tiré de Orfeo ed Euridice ; Vincenzo Bellini (1801-1835) : Ah non credea mirarti (Amina) tiré de La sonnambula, Oh ! Quante volte (Giulietta) tiré de I Capuletti e i Montecchi ; Deh ! Non volerli vittime (Norma) tiré de La Norma ; Piotr Illitch Tchaïkovsky (1840-1893) : Adieu forêts (Jeanne) tiré de La pucelle d’Orléans ; Jacques Offenbach (1819-1880) : Barcarolle (Giulietta) tiré des Contes d’Hoffmann ; Georges Bizet (1838-1875) : L’amour est enfant de Bohême (Carmen) tiré de Carmen ; Astor Piazzola (1921-1992) : Yo soy Maria (Maria) tiré de Maria de Buenos Aires ; Giuseppe Verdi (1813-1901) : Prélude de I masnadieri, prélude de La forza del destino ; Addio del passato (Violetta) tiré de La traviata ; Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Tiger, wetze nur die klauen (Zaïde) tiré de Zaïde, Der hölle rache (La reine de la nuit) tiré de Die zauberflöte, L’ho perduta (Barbarina) tiré de Le nozze di Figaro ; Francesco Cavalli (1602-1676) : Dell’antro magico (Medea) tiré de Il Giasone ; Joseph Haydn (1732-1809) : Odio, fuor, dispetto (Armida) tiré de Armida ; Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Ah ! Moi cor (Alcina) tiré de Alcina ; Gioachino Rossini (1792-1868) : Giusto Ciel (Anna) tiré de Maometto II ; Richard Straus (1864-1949) : Salomes Tanz (Salomé) tiré de Salomé ; Jules Massenet (1842-1912) : Adieu, notre petite table (Manon) tiré de Manon ; Camille Saint Saëns (1853-1921) : prélude de Samson et Dalila ; Kurt Weil (1900-1950) : Youkali (Marie) tiré de Marie-Galante. Théophile Alexandre, contre ténor ; Quatuor Zaïde ; Quatuor à cordes I string quartet. Label : NoMadMusic. Durée :1 heure 16 minutes 41 secondes


Crédit photo Théophile Alexandre : J. Benhamou

Crédit photo quatuor Zaïde : Kaupo Kikkas

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