Maria de Buenos Aires : Une clôture de festival en apothéose


Si nous avions adoré La vie parisienne, dont nous avions vu la dernière représentation la veille, Maria de Buenos Aires, l'opéra tango d'Astor Piazzolla (1921-1992), n'a laissé personne indifférent malgré la dureté et la tristesse du sujet. Composé en 1968 sur un livret de Horacio Ferrer, Maria de Buenos Aires mêle religion, prostitution, misère en un ensemble glaçant mais si beau et émouvant. Pour cette nouvelle production, en effet le chef d’œuvre de Piazzolla est rare sur les grandes scènes françaises et internationales. Pour l'occasion le chef Gaspard Brécourt a invité Sandra Rumolino et Diego Valentin Tores, deux très beaux chanteurs argentins, accompagnés avec talent par l'orchestre Opéra Éclaté et William Sabatier, un bandonéoniste remarquable. En ce beau mardi soir d'août, la salle était à nouveau bien remplie pour la clôture de l'édition 2019 du festival de Saint Céré.

Si avec La vie parisienne nous étions plongés dans une ambiance de douce folie, L'unique opéra tango de Piazzolla, nous emmène dans un univers plus sombre, inquiétant voire glaçant. Eric Perez, hyperactif, est un récitant convaincant et très engagé ; Dès l'introduction terminée, Perez et ses « acolytes » nous emmènent dans les bas-fonds de Buenos Aires ou « la petite » Maria va débarquer après avoir fui son village. « la petite » tombe sous la coupe d'un bandonéon et va se retrouver à faire le trottoir jusqu'à en mourir. Les deux chanteurs invités servent avec panache ce chef d’œuvre si peu connu de Piazzolla ; chaque chanson est interprétée sans effet de manche et « la petite » déjà morte lorsque commence l'opéra tango est pourtant bien présente dans la salle, tel un triste fantôme qui cherche à comprendre comment il a pu passer de l'état d'être humain vivant à celui de spectre. Sandra Rumolino incarne avec talent, sensibilité et sobriété une partition complexe et piégeuse ; chaque phrase, chaque section musicale, chaque mot est ciselé avec un art consommé. On retrouve la même grâce, le même talent dans l'interprétation très stylée de Diego Valentin Tores qui rend, tout comme Rumolino et Perez, rend le plus bel hommage qui se puisse rendre à Astor Piazzolla dont l'immense talent de compositeur « d'opéra » est reconnu à sa juste valeur ; l'ultime intervention de Tores est une émouvante prière, bel hommage à « la petite » victime de la brutalité humaine. Si l'orchestre joue avec panache une partition de très haute tenue, il est grandement aidé, voire survolté, par l'excellent bandonéiste William Sabatier qui joue les tangos de Piazzolla avec une fougue toute hispanisante et très chaleureuse. Gaspard Brécourt, de nouveau installé au piano, dirige avec simplicité et sobriété ; on apprécie l'eclectisme de ce musicien talentueux qui passe sans effort de l'opéra à l'opérette puis au tango dans la même édition d'un festival.

Si on peut regretter que Maria de Buenos Aires soit encore si peu connu, le festival a réssucité une œuvre qui mérite tant d'être mise en lumière. Certes le sujet est difficile, voire glaçant, mais il y a de très belles pages de chant et surtout de tango qui ont trouvé d'excellents défenseurs.

Compte rendu, opéra. Saint Céré. Théâtre de l'usine, le 13 août 2019. Astor Piazzolla (1921-1992) : Maria de Buenos Aires, opéra tango. Eric Perez, récitant ; Sandra Rumolino, soprano ; Diego Valentin Tores, ténor ; William Sabatier, bandonéon. Orchestre Opéra Eclaté ; Gaspard Brécourt, direction.

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