Schumann et Brahms au programme du dernier concert de l’Orchestre des Champs Élysées à Poitiers
L’Orchestre des Champs Élysées est d’un dynamisme peu commun et l’on ne peut que s’en réjouir. Si la phalange voyage beaucoup, elle est aussi à l’origine de projets ancrés dans le paysage musical régional, national voire même international. Ainsi, le Chœur et Orchestre des jeunes a fêté en 2024 sa douzième édition. Mais l’OCE est également partie prenante dans le beau projet qu’est le Jeune Orchestre de l’Abbaye (en résidence permanente à l’abbaye aux dames de Saintes – et que Philippe Herreweghe dirige une à deux fois par an). L’Orchestre des Champs met aussi en place des académies Beethoven qui « oscilleront » entre Italie et Arménie dans le cadre de la Nouvelle Odyssée Européenne. Bref, autant de projets qui donnent toute leur place aux jeunes musiciens de la nouvelle génération tout en leur mettant le pied à l’étrier.
Un extrait des Scènes de Faust un peu court mais de très belle tenue
Pour sa dernière tournée, qui débute – comme de bien entendu – à l’auditorium du TAP de Poitiers, l’Orchestre des Champs Élysées interprète des œuvres de Robert Schumann (1810-1856) et de Johannes Brahms (1833-1897) avec, en soliste du concerto, la séduisante violoniste moldave Patricia Kopatchinskaja. Très en forme, Philippe Herrewghe dirige l’orchestre avec une énergie et une rigueur communicatives. Très populaire le mythe de Faust a souvent été mis en musique ou monté au cinéma (Dont « La beauté du diable » réalisé en 1950 avec Gérard Philippe ; le plus récent des vingt fil consacrés à Faust date de 2011 et a été réalisé par Alexandre Sokourov) ; Robert Schumann (1810-1856) ne fait pas exception et il composa un oratorio en trois parties et sept tableaux intitulé « Scènes de Faust » dont seule l’ouverture était présentée en ce froid mardi d’avril. Philippe Herreweghe et l’Orchestre des Champs Élysées en donnent une lecture de toute beauté au point qu’on regretterait presque qu’il n’y est pas d’autres extraits de cette œuvre intégrés au programme.
Le seul concerto pour violon et orchestre de Schumann interprété avec panache
Mais le point d’orgue de cette première partie est sans aucun doute le concerto pour violon et orchestre en ré mineur de Schumann. Composé peu avant le décès de Schumann, ce concerto ne fut jamais créé du vivant même du compositeur car le violoniste Joseph Joachim faisait traîner en longueur les répétitions – alors qu’il avait lui même commandé cette œuvre à Schumann – et l’orchestre de Düsseldorf dont Schumann était le directeur musical l’obligea à démissionner de ses fonctions. Après la disparition de Schumann, Clara, sa veuve en interdit la publication et Joseph Joachim en interdit la création par testament pendant un siècle. Ce n’est donc qu’en 1937, après qu’un accord juridique ait été passé avec les héritiers de Joachim, que le concerto put être créé à l’instigation de Joseph Goebbels qui le confia à Georg Kulemkampff (violon) et Karl Böhm à la direction. Devenu très populaire depuis, le concerto pour violon et orchestre était interprété par la violoniste moldave Patricia Kopatchinskaja. Le moins que l’on puisse dire c’est que Kopatchinskaja, qui est aussi compositrice, fait montre d’un enthousiasme inégalable pour interpréter le chef d’œuvre de Schumann ; car en effet quand elle ne joue pas elle ne peut s’empêcher d’accompagner l’orchestre dans son interprétation des parties orchestrales. Patricia Kopatchinskaja interprète les parties solistes avec talent, dialoguant avec l’orchestre sans efforts et on ne peut que saluer une si belle lecture de cet unique concerto pour violon de Schumann. En bis Kopatchinskaja, interprète une pièce de musique contemporaine dont, malheureusement, je n’ai compris ni le titre ni le compositeur car elle parlait sans micro.
Brahms et sa symphonie N°3 pour compléter un programme de très belle tenue
Au retour de l’entracte, l’orchestre s’installe pour interpréter la dernière œuvre de ce programme 100 % allemand : la symphonie N°3 en fa majeur opus 90 de Johannes Brahms (1833-1897). si chacun connaît le thème du troisième mouvement, si souvent repris tant au cinéma que dans certaines chansons de variétés (Gainsbourg par exemple pour « Baby alone in Babylone »), l’ensemble est joué sans temps mort. La lecture de Philippe Herreweghe du chef d’œuvre de Brahms est idéale avec ses nuances et ses tempos quasi parfaits ; quant à l’orchestre il suit son chef avec une précision millimétrée. Cette symphonie d’une durée de 35 minutes trouve la des interprètes brillants et Brahms lui même n’aurait certainement pas renié une telle lecture.
L’Orchestre des Champs Élysées a entamé son ultime tournée de la saison en cours avec brio et le public ne s’y est pas trompé en réservant à l’ensemble des artistes un accueil très chaleureux.
Compte rendu, concert. Poitiers. Auditorium, le 30 avril 2024. Robert Shcumann (1810-1856) : Scènes de Faust – ouverture, concerto pour violon et orchestre en ré mineur WoO 23 ; Johannes Brahms (1833-1897) : Symphonie N°3 en fa majeur opus 90. Patricia Kopatchinskaja, violon ; Orchestre des Champs Élysées ; Philippe Herreweghe, direction.
Crédit photo Patricia Kopatchinskaja : Marco Borggreve
Crédit photo Philippe Herreweghe : Michiel Hendryckx
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