L’Opéra de Reims présente une très belle flûte enchantée


La compagnie Opéra Eclaté reprend, en collaboration avec l’Opéra de Reims, une très belle production de Die zauberflöte. La distribution, jeune et talentueuse, donne vie avec brio aux personnages de l’ultime opéra de Mozart.


Die zauberflöte, La flûte enchantée, fait partie de ces opéras régulièrement montés sur scène tant en France qu’à l’étranger. Cet ultime opéra de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) a été créé avec succès dans un théâtre des faubourgs de Vienne (Autriche) devant un public populaire très enthousiaste. La production présentée à l’Opéra de Reims est nouvellement intégrée au répertoire de la maison rémoise mais est une reprise d’une production présentée en 2009 au festival de Saint Céré. Depuis son départ de Saint Céré en 2021, la compagnie Opéra Éclaté, poursuit avec bonheur sa mission de création (Carmen al Andalus, créée le 27 mai dernier ou encore Cabaret de la méditerranée) et de mise en avant des jeunes artistes lyriques (comme Cosi fan tutte par exemple).



Une mise en scène virevoltante et rafraîchissante

Eric Perez qui est en charge de la mise en scène utilise avec bonheur les talents de comédiens des artistes et du chœur conviés, par l’Opéra de Reims, à donner vie au chef d’œuvre de Mozart. Nous avons aussi le plaisir de profiter des entrées ou des sorties parfois fulgurantes des personnages au sein même de la salle. Cette utilisation de tous les espaces possibles est d’autant plus bienvenue qu’elle permet au public de profiter des costumes magnifiques et particulièrement colorés de Jean Michel Angays et Stella Croce (notamment ceux de Papageno et Papagena), et des maquillages parfois flashis mais tellement réussis de Pascale Fau (encore le couple Papageno / Papagena mais aussi Monostatos). Dès l’ouverture, les choses se mettent en place au cœur des beaux décors de Patrice Gouron car se sont les deux prêtres qui emmènent Tamino et Pamina à l’entrée du temple. Cela étant dit, chaque pas, chaque geste est réfléchi, travaillé avec une minutie qui donne une belle cohérence à l’ensemble. 

Un orchestre et un choeur très en forme

L’orchestre de l’Opéra de Reims était dirigé par Nicolas Chalvin. Si j’ai apprécié la direction ferme et nerveuse de Chalvin, les tempos étaient parfois un peu rapides et les nuances pas toujours au rendez-vous. Mais globalement, l’orchestre a quand même livré une très belle performance en ce soir de première représentation. Quant à l’Ensemble Lyrique de Reims, parfaitement préparé par Sandrine Lebec, sa chef, il chante la partition de Mozart avec talent ; dès les premières notes du chœur d’entrée saluant l’arrivée de Sarastro, ce bel ensemble se montre très valeureux. On notera également qu’Eric Perez pousse l’ensemble dans ses retranchements ; et le résultat est remarquable.




Des solistes jeunes et valeureux


Si Eric Perez a repris et adapté la mise en scène créée à Saint Céré en 2009, c’est l’Opéra de Reims qui a constitué la distribution qui a donné vie aux personnages du chef d’oeuvre de Mozart. Là encore, j’ai apprécié d’entendre des voix jeunes, belles et fermes ; cependant, s’agissant d’une première représentation, on n’était pas à l’abri d’accidents de parcours. Mais globalement ce fut une très belle soirée. A tout seigneur, tout honneur, le couple Tamino / Pamina est excellent d’un bout à l’autre de la soirée. Le ténor américain Mark Van Arsdalle est un fort beau Tamino ; dès les premières notes de « Zu ilfe, Zu ilfe … », l’air d’entrée de Tamino, on comprend que la soirée sera remarquable : la tessiture « colle » parfaitement au personnage, la diction tant en allemand qu’en français est parfaite, chaque air, chaque ensemble est interprété sans faiblesse. Chloé Chaume est une Pamina de très belle tenue à la diction parfaite ; et même si elle n’a qu’un unique air, « Ach ich fül’s … » interprété avec brio, nous avons l’occasion d’écouter une voix ferme, sûre, parfaitement projetée. Régis Mengus est un superbe Papageno ; comédien consommé il fait parfaitement ressortir le côté un peu flagorneur de l’oiseleur. C’est le seul personnage qui fait presque toutes ses entrées par la salle, il interprète même son air du second acte installé sur le rebord de la fosse, juste devant le public. Vocalement Mengus est en grande forme ; cette belle voix de baryton claque dans la salle avec une belle assurance. Si le rôle de Papagena est essentiellement un rôle parlé, Inès Berlet l’assume avec brio ; aussi colorée que Papageno (elle est aussi jaune qu’il est orange), la Papagena d’Inès Berlet est aussi comique que son « fiancé » et leurs scènes ne manquent pas de piquant. Quant au duo « Papapa … Papapa … » il est interprété avec un bel humour. Pauline Texier est une belle reine de la nuit mais visiblement sous l’emprise du trac ne peut empêcher des fausses notes dans l’interprétation du second aria de la « reine flamboyante » ainsi que l’appelle Papageno. Quant à Olivier Dejean, il campe un Sarastro de belle tenue ; et même si la voix est plus proche du baryton que de la basse, notamment au premier acte ou les graves sont un peu écrasés, le jeune homme livre une performance remarquable. C’est le ténor écossais Stuart Patterson qui chante le rôle de Monostatos ; le méchant de l’histoire trouve là un interprète valeureux qui chante son unique aria « Alles fühlt der liebe freuden » avec talent. Les trois suivantes de la reine de la nuit forment un trio charmant et virevoltant ; d’ailleurs on ne peut que saluer le courage de l’alto Svetlana Lifar qui blessée à l’épaule a courageusement assumé cette série rémoise. Un salut également au trio d’enfants issus de la maîtrise de Reims – également dirigée par Sandrine Lebec ; parfaitement préparés par leur chef, les trois jeunes gens ont assumé crânement une partition difficile. Valeureux aussi les interprètes du Spercher, des deux hommes d’armes et des deux prêtres. 




Malgré les imperfections et les accidents de parcours qui ont émaillé cette première de La flûte enchantée, j’ai assisté à une très belle représentation. La jeunesse des artistes, qui sont loin d’être des « bleus » est l’
un des points forts de cette série rémoise dont Eric Perez est le metteur en scène. L’autre grand point fort étant précisément cette mise en scène dynamique qui est très bien accompagnée de décors, de costumes et de maquillages qui correspondent à merveille à chaque personnage.


Compte rendu, opéra. Reims. Opéra, le 26 mai 2023. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Die Zauberflöte, opéra en 2 actes sur un livret d’Emmanuel Schikaneder (1751-1812). Mark Van Arsdalle, Tamino ; Régis Mengus, Papageno ; Chloé Chaume, Pamina ; Inès Berlet, Papagena ; Pauline Texier, la reine de la nuit ; Olivier Dejean, Sarastro ; Stuart Patterson, Monostatos ; Gautier Joubert, die sprecher / 2ème homme d’arme ; Caroline Mutel, 1ère dame ; Amandine Ammirati, 2ème dame ; Svetlana Lifar, 3ème dame ; Maxence Billermaz, 1er homme d’armes ; Fabio Sitzia, 1er prêtre ; Alexis Brison, 2ème prêtre ; 3 enfants issus de la maîtrise de Reims (chef de choeur : Sandrine Lebec) : Antonin Beziaud, soprano 1 ; Kyan Khatib-Chahidi, Soprano 2 ; Arthur Merle, Alto. Orchestre de l’Opéra de Reims ; Ensemble Lyrique Champagne Ardenne (chef de choeur : Sandrine Lebec) ; Nicolas Chalvin, direction musicale. Eric Perez, mise en scène ; Nathalie Schaaf, assistante à la mise en scène / régie générale ; Patrice Gouron, décors ; Jean Michel Angays, création des costumes ; Stella Croce, costumes ; Pascale Fau, création des maquillages.


Crédit photos : Sébastien Gomes

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