L’Opéra de Bordeaux présente une Nouvelle Production de La Favorite de Gaetano Donizetti



La favorite de Gaetano Donizetti (1797-1848), le pendant français de La favorita, a connu un réel succès dès sa création en 1840. Si depuis, la version italienne s’est imposée tant en France qu’à l’étranger, son pendant français ne manque pas de très belles pages et l’Opéra de Bordeaux l’a bien compris en programmant La favorite dès 1850. Pour cette Nouvelle Production, les responsables de l’Opéra de Bordeaux ont invité une belle brochette de solistes et ont confié la mise en scène à Valentina Carasco. Cela étant dit, je ne suis pas certaine que l’idée soit bonne tant elle tend à une certaine lenteur. La représentation du 8 mars tombant en plein dans le mouvement national contre la réforme des retraites, la mise en scène a été simplifiée ; cela a permis que la représentation ait lieu mais peut-être une Version Concert aurait-elle été bienvenue au vu du résultat final.


Une mise en scène peu inspirée dans un décor casse gueule


Si Valentina Carasco est pleine de bonne volonté, le moins que l’on puisse dire c’est que la mise en scène qu’elle signe est bien peu convaincante. Quant à la direction d’acteur elle est LE gros point faible de la soirée car elle est inexistante ; les solistes ne peuvent compter que sur eux même et il est heureux que nous ayons vu des chanteurs-acteurs sur le vaste plateau de l’Opéra National de Bordeaux. Cela étant dit, il faut aussi reconnaître qu’une partie des décors n’ont vraiment pas aidé les solistes, le chœur et les « danseuses ». En effet Peter Van Praet et Charles Berga ont eu la « brillante idée » de commander des lits superposés qui envahissent la scène empêchant ainsi chacun de se mouvoir correctement. Mais le palais dans lequel Alphonse apparaît pour la première fois est, quant à lui, une très belle réalisation de même que le monastère de Saint Jacques ou l’action de La favorite commence et se termine. En revanche, les lumières de Peter Van Praet étaient fort belles et mettaient en valeur les moments les plus tragiques du chef d’œuvre de Donizetti.



Un orchestre et un chœur très en forme. Un ballet peu convaincant


Pour cette série de représentations de La favorite, les responsables de l’Opéra National de Bordeaux ont invité le chef d’orchestre italien Paolo Olmi à diriger l’Orchestre National de Bordeaux Aquitaine. Si Olmi est plein de bonne volonté, il semble avoir un souci avec les nuances qui sont par trop inégales. Et du coup il arrive que la phalange couvre les solistes et le chœur ce qui est quelque peu gênant d’autant que les tempos sont plutôt adaptés. Salvatore Caputo a réalisé un excellent travail avec le chœur de l’Opéra National de Bordeaux ; musicalement, la performance est excellente et la diction est impeccable. Si la musique de Donizetti est interprétée avec une belle dynamique, le problème de la soirée concerne le ballet. Si je me réjouis que le ballet n’ait pas été coupé, en revanche je m’interroge sur les intentions du chorégraphe Massimiliano Volpini. Si dans le fond, la volonté de donner vie aux favorites répudiées peut paraître bonne, dans la forme, l’apparition sur scène d’une douzaine de femmes âgées interroge car du coup, le ballet n’en est pas vraiment un. Nous avons eu droit à quelques vagues pas de danse en lieu et place d’une véritable chorégraphie. L’idée de faire un focus sur la journée internationale des droits de la femme, qui tombait le jour de la troisième représentation, était excellente mais Volpini avait là une occasion de chorégraphier un véritable ballet avec les danseuses du corps de ballet qui est installé au Grand Théâtre et il l’a laissé passer.




Une distribution largement dominée par un Florian Sempey en grande forme


Pour cette série les responsables de l’Opéra de Bordeaux ont invité des artistes dont la réputation n’est plus à faire. Ainsi le rôle d’Alphonse XI est interprété par Florian Sempey. Le jeune baryton bordelais, très en voix fait une entrée fracassante et son « Viens Léonore » est interprété avec une belle autorité ; cet Alphonse là passe par une large palette de sentiments contradictoires qui en font un homme comme les autres malgré sa couronne. Et la confrontation entre Alphonse et Balthazar prend l’apparence d’un feu d’artifices puissance 1000. Le ténor samoan Pene Pati campe un Fernand de très belle tenue ; la voix est certes claire et un peu légère, mais il prend la partition à son compte et passe des graves aux aigus sans efforts. Dès le premier aria « Que moi je t’oublie … Oui ta voix m’inspire » le jeune homme se pose là et pendant toute la soirée on aura droit à une performance remarquable même si la diction n’est pas toujours parfaite. Par contre Analisa Stroppa, elle, est moins convaincante ; si sur un plan strictement scénique elle est irréprochable, quelle actrice remarquable nous avons vu sur scène mercredi soir, vocalement je suis plus sceptique. Pendant presque toute la soirée, la voix était plus proche de l’alto que du mezzo et malgré quelques stridences vers le soprano, il n’y a rien de très convaincant. Le premier aria « Ô mon Fernand » est de belle facture mais c’est surtout dans le dernier acte que Stroppa se montre excellente à tous points de vue et j’aurais aimé avoir une telle performance dès le début de la soirée. Le Balthazar de Vincent Le Texier est scéniquement impeccable ; le « vétéran » de la soirée donne une leçon de théâtre grandeur nature. Vocalement, la voix a changé et il est, lui aussi parfois couvert par l’orchestre à des endroits ou cela ne devrait pas être le cas. Néanmoins, « père » attentif et très protecteur pour Fernand, il veille de loin sur le jeune homme à qui il finit par révéler son déshonneur pour le ramener au monastère Saint Jacques. Marie Lombard est une très belle Inès ; peut-être aurait elle mérité de chanter Léonore au lieu de Inès. Sébastien Droy, lui, est un Don Gaspard convaincant.


Malgré une mise en scène peu convaincante, l’Opéra de Bordeaux a eu le mérite de proposer une nouvelle production de La favorite. Le fait de présenter une partition intégrale, donc avec le ballet, est le grand atout de cette série de représentation ; et même si j’aurais aimé voir une vraie chorégraphie, on peut rendre hommage aux femmes de multiples façons, elle a au moins eu le mérite d’exister et de faire entendre au public cette belle musique de scène.


Compte rendu, opéra. Bordeaux. Grand Théâtre, le 8 mars 2023. Gaetano Donizetti (1797-1848) : La favorite, opéra en 4 actes sur un livret de . Analisa Stroppa, Léonore ; Pene Pati, Fernand ; Florian Sempey, Alphonse XI ; Vincent Le Texier, Balthazar ; Marie Lombard, Inès ; Sébastien Droy, Don Gaspard. Choeur et Orchestre de l’Opéra National de Bordeaux ; Paolo Olmi, direction ; Salvatore Caputo, chef de chœur. Valentina Carasco, mise en scène ; Peter Van Praet /Charles Berga, décors ; Sylvia Aymonino, costumes ; Peter Van Praet, lumières ; Massimiliano Volpini, chorégraphie.


Crédit photos : Eric Bouloumié

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