Abbaye aux dames de Saintes : Une sortie de résidence peu orthodoxe

 

Depuis le début de l’année 2023, la nouvelle équipe de l’abbaye aux dames de Saintes propose à des ensembles vocaux ou voix et instruments de s’installer au sein des murs de l’abbaye pour préparer un enregistrement, une tournée ou travailler un nouveau programme. En janvier j’avais assisté à la sortie de résidence d’un très beau quintette féminin appelé « les Kapsber’girls » en référence à leur compositeur « fétiche » : Hieronymus Kapsberger (1580-1651). Ces cinq jeunes femmes, deux chanteuses et trois instrumentistes avaient passé cinq jours en résidence pour préparer l’enregistrement de leur premier CD consacré à des compositrices de la période baroque et avaient conquis un public venu nombreux (https://lyriqueinfo.blogspot.com/2023/01/les-kapsbergirls-donnent-leur-concert.html).

En ce mois de février doux et sec, c’est un quatuor totalement improbable qui s’est installé à l’abbaye aux dames pour une résidence de cinq jours. Quand on lit sur le programme de salle viole d’amour, flûte et traverso, on s’attend à un concert de musique baroque ; sauf que quand on arrive à l’auditorium de l’abbaye aux dames, on a sur scène une chanteuse argentine et un violiste tunisien accompagnés par une contrebasse et une guitare à sept cordes et on a droit à un concert totalement inattendu et déjanté mêlant jazz et musiques traditionnelles. Le thème de la soirée de restitution : les chants de travail. Et le public voyage en Tunisie et en Argentine, bien sûr, mais aussi en Amérique Centrale et en Amérique du Sud (notamment Mexique et Pérou). Si les chansons présentées ne manquent pas d’intérêt, j’ai regretté que Diana Baroni, par ailleurs excellente musicienne ait une gestuelle parfois excessive quand elle chante. Cela étant dit Baroni a une voix chaleureuse qui correspond bien aux chansons traditionnelles et aux chansons jazzy qu’elle défend avec talent. Jasser Haj Youssef est un violiste exceptionnel ; et sa formation à Monastir puis à Sousse au violon, entre autre, n’y est pas pour rien puisqu’il fut instrumentiste d’orchestre avec de changer de voie en se tournant vers la viole d’amour tout en poursuivant, en parallèle une activité de musique de chambre et de direction d’orchestre. Et jeudi soir, lors de cette restitution, il a joué son instrument avec élégance et talent. Youssef est également compositeur, et il s’est approprié les textes que lui a proposé Diana Baroni sans efforts tant il a parfaitement assimilé la culture chaleureuse et gaie de l’Amérique centrale et de l’Amérique du sud. C’est ainsi que nous avons pu profiter des œuvres très inhabituelles de cet excellent musicien. Inhabituelles car elles allient avec beaucoup de finesse musique traditionnelle tunisienne et les textes « classiques » de cette partie du continent américain. Romain Lecuyer à la contrebasse et Sergio Rodrigo à la guitare à sept cordes accompagnent avec talent leur deux acolytes.

On ne peut que saluer le travail de recherche impressionnant mené tant par Diana Baroni que par Jasser Haj Youssef pour trouver les textes et les musiques puis en faire des œuvres totalement atypiques qu’ils ont ensuite, avec leurs complices, présenté à un public très enthousiaste. Je regrette cependant que certaines personnes du public se montrent si peu respectueuse tant envers les artistes présents sur scène qu’envers les autres personnes présentes dans la salle en arrivant en retard ou en partant sans aucune discrétion.

Compte rendu, concert. Saintes. Abbaye aux dames – auditorium, le 16 février 2023. Compositeurs anonymes : No te eleves, Imla’wAsqi, O Olec, Clavelito, Canto de Pilon, Canto da Moenda, Jib Rjaki, Taganazambé ; Jasser Haj Yousseh (né en 1980) : Reveria II, Saba, Solo Molo. Diana Baroni, chant et traverso ; Jasser Haj Youssef, viole d’amour et chant ; Romain Lecuyer, contrebasse ; Sergio Rodrigo, guitare à sept cordes

Crédit photo : Erol Gum (pour le compte de REMA)