Les Kapsber’girls donnent leur concert de sortie de résidence à l’abbaye aux dames de Saintes


La nouvelle équipe de l’abbaye aux dames menée de main de maître par David Théodoridès, le sympathique directeur général de la cité musicale, (https://toutelaculture.com/musique/cinq-questions-a-david-theodorides-directeur-general-de-labbaye-aux-dames/) multiplie les initiatives. La dernière en date étant l’accueil de jeunes ensembles vocaux en résidence pour leur permettre pendant cinq à six jours de travailler sur un projet comme un concert, une tournée ou un enregistrement de CD par exemple. En ce début d’année, les responsables de la cité musicale ont donné à l’ensemble Kapsber’girls l’occasion de travailler pendant cinq jours sur la préparation de leur prochain CD dont l’enregistrement doit avoir lieu dans les prochains jours.


Un concert plein de surprises par des artistes talentueuses


Dès le début de la restitution, terme que les cinq filles préfèrent utiliser plutôt que de parler de concert, on note que les deux chanteuses et les trois musiciennes prennent un véritable plaisir à travailler ensemble. Le grand atout de cette restitution est le programme qui met en valeur des compositrices italiennes des XVIIe et XVIIIe siècles dont deux ou trois complètement oubliées. La première d’entre elles et la romaine Francesca Campana (vers 1610-1665) dont un seul catalogue de vilanelles nous est parvenu ; les trois mélodies de Campana sont chantées en duo par la soprano Alice Duport-Percier et la mezzo soprano Axelle Verner. Et j’ai apprécié d’écouter deux jeunes et très belles voix parfaitement maîtrisées que se soit dans Amor se questa sera ou encore dans Fanciula Vezzosa. Issue d’une lignée de musiciens bien connus Francesca Caccini (1587-1641) mérite sa place dans le programme et avec Ch’amor sia nudo nous avons un bel exemple, quoi que un peu court, du talent de Caccini dont seul un livre de mélodies et un opéra nous sont parvenus. Antonia Bembo (1643-1715), ursuline et compositrice m’a un peu fait penser à Sainte Hildegarde de Bingen. Si Bembo n’était pas « multitâches » comme le fut hildegarde en son temps, elle laissa à la postérité plus de cinq cent œuvres vocales ; et Ad arma est une des plus longues « mélodies » de Bembo que Alice Duport-Percier et Axelle Verner interprètent en toute simplicité.


A la découverte des instruments baroques


Un autre point fort de la restitution de vendredi, c’est la prise de parole des cinq filles qui constituent l’ensemble Kapsber’girls. Elles font preuve d’une bonne humeur et d’un humour décapants et communicatifs que j’ai hautement apprécié. J’ai également apprécié de voir les trois musiciennes prendre la parole l’une après l’autre pour présenter leurs instruments. Albane Imbs, qui assure aussi la direction du programme, est la première à s’exprimer. Pour ce concert, elle utilise trois instruments à cordes pincées appartenant à la famille des luths ; Le théorbe, luth amélioré, a deux manches dont l’un est un peu plus court que l’autre. C’est aussi l’instrument de l’orchestre baroque qui produit le son le plus grave ; Albane Imbs ne manque pas de citer le fameux Jean de Sainte Colombe qui, théorbiste de génie, laissa un corpus imposant pour cet instrument. Néanmoins, c’est une courante, une danse très appréciée au XVIIe siècle, de Johannes Hieronymus Kapsberger (1580-1651), leur compositeur de cœur, qu’elle interprète. Imbs joue également un tiorbino, c’est à dire un théorbe miniature qui produit un son un peu moins grave que son « grand » frère. Avec Pernelle Marzorati, on découvre la triple harpe ; l’instrument est à peu près identique à celui que nous connaissons. Il n’y manque que les pédales qui apparaissent seulement au XIXe siècle. Garance Boizot nous parle, elle, de la famille des violes de gambe. Et elles sont plus nombreuses qu’on ne pourrait le penser puisqu’on va de la basse de viole, dont le son est le plus grave, à la viole de gambe ; elles sont voisines du violoncelle mais en sont quand même différentes.


Avec cette première sortie de résidence, les responsables de l’abbaye aux dames ont réalisé une excellente opération car elle a attiré un public nombreux. Si j’ai regretté que le public se montre si indiscipliné, j’ai apprécié de voir un ensemble jeune, talentueux, joyeux et plein d’humour.


Compte rendu, concert. Saintes. Auditorium, le 13 janvier 2023. Francesca Campana (vers 1610-1655) : Amor se questa sera, Voi luci altere, Fanciula Vezzosa ; Barbara Strozzi (1619-1677) : Mercè di voi, Che si puo fare, Godere Tacere ; Francesca Caccini (1587-1641) : Ch’amor sia nudo ; Isabella Leonarda (1620-1704) : Ad arma ; Johannes Hieronymus Kapsberger (1580-1651) : courante pour théorbe et basse continue ; Antonia Bembo (1643-1715) : Amor mio, facciamo la pace. Alice Duport-Percier, soprano ; Axelle Verner, mezzo soprano ; Garance Boizot, basse de viole ; Pernelle Marzorati, harpe triple ; Albane Imbs, théorbe, tiorbino, guitare baroque et direction.


Crédit photo : Olivier Féraud

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