Insieme : Le second récital de Ludovic Tézier au CD est un récital de duos gravé avec Jonas Kaufmann


Après un récital Verdi de très belle facture sorti en février 2021 (https://lyriqueinfo.blogspot.com/2021/02/ludovic-tezier-enregistre-enfin-son.html), Ludovic Tézier récidive en sortant un récital de duos gravé avec son complice de longue date Jonas Kaufmann. Pour ce nouvel opus, sorti en octobre dernier, les deux hommes étaient accompagnés par l’orchestra dell’academia nazionale di Santa Cécilia ; tout ce beau monde était placé sous la direction avisée d’Antonio Pappano. Si la plus grande partie de ce récital est consacré à Giuseppe Verdi (1813-1901) on trouve également un extrait de la Bohême de Giacomo Puccini (1858-1924) et un extrait de La Gioconda de Amilcare Ponchielli (1834-1886).


Deux chanteurs au sommet de leur art


Si le présent CD est essentiellement consacré aux œuvres de Giuseppe Verdi (1813-1901), il a le mérite de présenter aussi deux duos issus d’œuvres qui méritent grandement d’être intégrées à cet opus de très belles facture : « In un coupé ? … O Mimi, tu piu non torni » (extrait de La bohême de Giacomo Puccini [1858-1924]) et « Enzo Grimaldo, principo di Santafior, che pensi ? » (extrait de La Gioconda de Amilcare Ponchielli [1834-1886]). Et ce sont deux duos de luxe que Ludovic Tézier et Jonas Kaufmann interprètent avec talent et laissant transparaître sans efforts les sentiments contradictoires de leurs personnages. On ne s’étonnera pas de voir Les Vêpres siciliennes programmées ici ; le grand mérite de Tézier et Kaufmann est d’avoir tenu a interpréter l’œuvre française et non l’italienne. Avec « Quel est ton nom ? Punis mon audace ! … Téméraire ! », la confrontation entre Henri et Montfort, terrible annonce la suite des évènements et les affrontements à venir entre deux caractères forts et déterminés ; et l’on ne peut qu’apprécier d’entendre un duo interprété sans faiblesses : les tempos et les nuances sont quasi parfaits, la diction impeccable, les deux voix parfaitement maîtrisées. Cependant le choc de la découverte de leurs liens de parenté, après un nouvel affrontement implacable, (« Je n’en puis revenir ! Quand ma bonté … Comble de misère ! ») est si parfaitement rendu qu’on se croirait presque indiscret en écoutant Ludovic Tézier et Jonas Kaufmann fusse au disque. Si le « Le voilà, c’est l’infant ! … Dieu tu semas dans nos âmes » extrait de Don Carlos est tout aussi idéal, ce sont surtout les trois duos extraits de La forza del destino qui sont les plus émouvants tant l’un et l’autre sont enfermés dans leurs trajectoires si opposées qu’il n’y a aucune entente possible. Cette irréconciliabilité une fois acceptée, on ne peut que saluer la performance remarquable de Ludovic Tézier – Don Carlo vengeur impitoyable – et de Jonas Kaufmann – Don Alvaro meurtri et plein de remords. C’est surtout vrai dans l’ultime confrontation de Carlo et d’Alvaro « Invano Alvaro ti celasti al mondo … Col sangue sol calcellasi … Le minaccie, I fieri accenti » que Tézier et Kaufmann abordent avec une énergie si forte qu’elle fait exploser puissance mille les sentiments contradictoires des protagonistes. Avec « Tu ? ! Indietro ! Fuggi !! Ora e per sempre addio … Era la notte, Cassio dormia … Si pel ciel, marmoreo giuro ! » extrait d’Otello, les deux compères clôturent le CD avec beaucoup de classe ; le Iago de Ludovic Tézier est retors et impitoyable à souhait quand l’Otello, manipulé comme un pantin par Iago, de Jonas Kaufmann devient jaloux et paranoïaque.


Un orchestre et un chef d’orchestre très inspirés


C’est l’Orchestra dell’academia nazionale di Santa Cécilia qui accompagne Ludovic Tézier et Jonas Kaufmann ; ce très bel orchestre est dirigé par Antonio Pappano – qui dirigea pendant longtemps l’orchestre du Royal Opera House de Londres – avec talent. Habitué à diriger des opéras, Pappano adopte des tempos et des nuances parfaits tant dans les introductions que dans l’accompagnement des deux chanteurs. Il n’y a rien à redire quant la direction d’Antonio Pappano qui est ferme, précise, nette. Avec Pappano, l’Orchestra dell’academia nazionale di Santa Cécilia a trouvé un grand chef d’orchestre et la rencontre entre ces artistes d’exception donne un résultat remarquable à tous points de vue.


C’est un CD exceptionnel que Ludovic Tézier et Jonas Kaufmann ont gravé sous la direction attentive et quasi parfaite d’Antonio Pappano Si on peut regretter qu’il n’y ait que deux duos issus d’autres compositeurs que Verdi, on ne peut que saluer la superbe performance que tous ont réalisé.


Compte rendu CD. Giacomo Puccini (1858-1924) : La Bohême : « In un coupé ? … O Mimi, tu piu non torni » ; Amilcare Ponchielli (1834-1886) : La Gioconda : « Enzo Grimaldo, principo di Santafior, che pensi ? » ; Giuseppe Verdi (1813-1901) : Les vêpres siciliennes : « Quel est ton nom ? Punis mon audace ! … Téméraire ! », « Je n’en puis revenir ! Quand ma bonté … Comble de misère ! » ; Don Carlos : « Le voilà, c’est l’infant ! … Dieu tu semas dans nos âmes » ; La forza del destino : « Solenne in quest’ora », « Ne gustare m’è dato … No d’un imene, il vincolo », « Invano Alvaro ti celasti al mondo … Col sangue sol calcellasi … Le minaccie, I fieri accenti » ; Otello : « Tu ? ! Indietro ! Fuggi !! Ora e per sempre addio … Era la notte, Cassio dormia … Si pel ciel, marmoreo giuro ! ». Ludovic Tézier, baryton ; Jonas Kaufmann, ténor ; Orchestra dell’academia nazionale di Santa Cécilia. Antonio Pappano, direction.


Crédit photo : sony classical

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