Le Stabat Mater d’Arvo Pärt chanté par un trio inattendu

 


Le compositeur Arvo Pärt (né en 1935) est un homme très actif et, même si à 87 ans il poursuit encore une carrière de chef d'orchestre déjà bien remplie, ses œuvres sont régulièrement reprises tant en France qu’à l’étranger. Si en octobre dernier j’ai eu l’occasion d’écouter trois de ses œuvres, assez courtes mais de très belle facture, à l’occasion du vernissage de l’exposition du sculpteur Théo Jansen (https://lyriqueinfo.blogspot.com/2022/10/le-festival-international-des-arts-de.html), le présent CD est consacré à son Stabat Mater. Et il a été gravé en septembre 2021 par un trio auquel je n’aurais certainement pas pensé au premier abord quand on aborde des œuvres d’Arvo Pärt, puisqu’on parle de Roberto Alagna, Alexandra Kurzak et Andreas Scholl.



Le Stabat Mater étant assez court, à peine 25 minutes, d’autres œuvres l’accompagnent sur le présent CD ; à commencer par deux œuvres pour orchestre et une œuvre pour piano et violon. Si
Fratres et Summa sont composés pour orchestre et percussion ou pour orchestre seul sont interprétés par le Morphing Chamber Orchestra avec une rigueur inégalable ; la direction de Tomasz Wabnic est ferme, nerveuse, sans temps mort. Spiegel im spiegel, l’œuvre pour violon et piano, est de toute beauté et l’interprétation de Yuki Wong au violon et de Marek Ruszcznski au piano est splendide ; les deux hommes s’accordent parfaitement et Speigel im spiegel est mis en valeur avec talent. Le contre ténor allemand Andreas Scholl interprète seul quatre mélodies et lieder accompagné tout en douceur par un orchestre dirigé par un Tomasz Wabnic très attentif. Cependant Scholl, reconnu de longue date comme un excellent interprète du répertoire baroque dans lequel il excelle, apparaît presque, ici, comme un extra terrestre. Si l’intention est excellente, Andreas Scholl semble un peu perdu dans ce répertoire qui n’est pas le sien.


Le
Stabat Mater, commandé par la Fondation Alban Berg pour célébrer le centenaire de la naissance du compositeur (1885-1935) a d’abord été composé pour un trio à cordes. Mais comme tant d’autres œuvres, ce n’est pas la seule version qui en existe puisque la version gravée ici est un arrangement pour trois voix solistes et orchestre à cordes. Cet arrangement, qui n’a pu être réalisé qu’avec l’accord du compositeur, est excellent et renforce la sobriété indispensable pour une telle œuvre mais aussi la foi absolue et sincère de Pärt. Le Morphing Chamber Orchestra interprète cette musique avec un peu trop de dynamisme. Des tempos plus sobres et un peu plus de nuances auraient été bienvenus, mais l’intention est excellente. Côté voix, Andrea Scholl est toujours un peu perdu dans ce répertoire tout nouveau pour lui ; mais il a le mérite de réfréner les élans parfois très, trop, fougueux de Roberto Alagna qui, s’il est très en voix, semble oublier qu’il est censé interpréter un oratorio et qui plus est un Stabat Mater. Cela étant dit, on ne peut ignorer que Roberto Alagna fait de beaux efforts pour donner vie au chef d’œuvre de Pärt. La voix est belle et bien placée quoi que parfois tendue dans les aigus. En ce qui concerne Alexandra Kurzak, elle a, elle aussi, bien du mal à dissocier opéra et oratorio ; Là aussi la voix est belle et j’apprécie les efforts, louables par ailleurs, de la soprano d’origine polonaise pour donner vie à sa partition.


C’est un beau CD que nous propose là le label aparté music, mais j’aurais apprécié que le duo Alagna / Kurzak donne une lecture plus sobre et moins opératique du Stabat Mater d’Arvo Pärt. Andreas Scholl, est certes dépassé par les œuvres vocales de Pärt mais il a su rester humble face à cette musique qu’il sert au mieux.


Compte rendu CD. Arvo Pärt (né en 1935) : Fratres ; My heart’s in the Highlands,Vater Unser ; Spiegel im spiegel ; Es sang vor lagen Jarhen ; Ein Wallfahrslied ; Summa ; Stabat Mater . Alexandra Kurzak, soprano ; Roberto Alagna, ténor ; Andreas Scholl, contre ténor ; Yuuki Wong, violon ; Hermg-Yu Pan, contrebasse ; Ruben Ramirez, percussion ; Marek Ruszcznski, piano. Morphing Chamber Orchestra ; Tomasz Wabnic, direction. Label : aparté music ; durée : 1 heure 11 minutes et 38 secondes.


Crédit photo Arvo Pärt : Peeter Langovits

Crédit photo Andreas Scholl : festival de Beaune

Crédit photo Roberto Alagna : Grégor Hohenberg

Crédit photo Alexandra Kurzak : Kasia Paskuda

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