Le Jeune Orchestre de l’Abbaye donne un concert de toute beauté au Gallia Théâtre de Saintes

 


Emblème musical et culturel de la ville de Saintes, le Jeune Orchestre de l’Abbaye a donné hier soir, au Gallia Théâtre*, son second concert de la saison musicale de l’abbaye aux dames. Pour cette nouvelle résidence, la jeune et talentueuse phalange était dirigée par Julien Chauvin, le chef et fondateur de l’orchestre « Le concert de la loge » ; pour l’occasion, était invitée également la jeune et brillante pianiste néerlandaise d’origine russe Olga Paschenko. Le programme concocté par Julien Chauvin est certes classique mais ne nous y fions pas, il est aussi d’une redoutable difficulté ; cela étant dit, les musiciens qui composent la phalange à l’occasion de cette résidence sont d’un niveau remarquable et relèvent le gant avec talent.



Avant de commencer à jouer, Julien Chauvin prend la parole pour présenter le concerto pour piano et orchestre N°24 en do mineur de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) que l’orchestre et Olga Paschenko, la pianiste invitée pour l’occasion, s’apprêtent à jouer : « ce concerto est l’un des deux concertos que Mozart a composé sur un mode mineur, dit il en substance » avant d’ajouter que « Mozart, composait plus souvent en mode majeur, mais que ce concerto n’en est pas moins un chef d’œuvre. ». Cela étant dit, il s’installe à son pupitre et entame l’interprétation du concerto ; d’entrée de jeu, je remarque que Julien Chauvin est polyvalent ; car en plus de la direction, il est le premier violon de l’orchestre mais également l’un de ses formateurs (violons et altos). Et le résultat est bluffant : la direction ferme, nerveuse, précise de Julien Chauvin survolte les jeunes musiciens qui suivent leur chef avec une précision millimétrée. Les tempos et les nuances sont quasi parfaits et la musique de Mozart est sublimée tant par les musiciens de l’orchestre, en grande forme, que par l’excellente pianiste Olga Paschenko qui interprète les parties solistes du chef d’œuvre de Mozart avec brio. Cette brillante élève d’Alexei Lubimov, joue le pianoforte de l’abbaye (une copie de 1986 des pianoforte sur lesquels Mozart joua en son temps) avec fermeté et beaucoup de douceur ; si l’on peut se laisser surprendre par le son du piano très différent, plus doux aussi que les pianos contemporains, la musique n’en est pas moins servie avec talent par Paschenko qui prend à son compte le chef d’œuvre du divin Mozart. Le programme de salle annonçait deux œuvres certes superbes mais redoutablement complexes ; mais c’était sans compter sur le talent exceptionnel des jeunes musiciens qui composent la phalange. Cependant Julien Chauvin, a pris le temps de réfléchir avec Paschenko et les responsables de l’abbaye aux dames ; il reprend donc la parole dès la fin des applaudissements : D’abord pour annoncer que la sonate pour piano et violon en fa majeur N°5 « Le printemps » de Ludwig Van Beethoven (1770-1827) a été rajoutée au programme le jour même à la place du bis initialement prévu par Olga Paschenko, ensuite pour évoquer la douloureuse situation due au conflit actuellement en cours sans pour autant prononcer les mots guerres, invasion, Ukraine. C’est donc pour cela que cette sonate « Le printemps » est dédiée aux victimes des conflits passés et présents. Julien Chauvin et Olga Paschenko interprètent cette sonate avec brio ; si cette sonate est une belle surprise, elle nous permet aussi d’apprécier le talent de Julien Chauvin, qui est un violoniste aussi doué qu’il est bon chef d’orchestre, et d’Olga Paschenko qui donne une leçon de piano grandeur nature. Avec la symphonie N°101 en ré majeur « l’horloge » de Joseph Haydn (1732-1809) le Jeune Orchestre de l’Abbaye entame la dernière œuvre au programme de cette soirée. Cette symphonie, qui est l’une des douze symphonies londoniennes est interprétée tambour battant par un orchestre toujours aussi motivé. Là encore les tempos et les nuances sont parfaits et Julien Chauvin dirige ses musiciens avec la même rigueur et la même empathie que dans le concerto de Mozart. C’est le tic tac qui jalonne tout le second mouvement qui a donné son surnom, « l’horloge », à cette symphonie pleine d’allant ; et l’interprétation de ce second mouvement nous a entraîné dans un univers digne des horlogers suisses ; univers qu’ils ne renieraient certainement pas.

Le Jeune Orchestre de l’Abbaye a donné un concert de très belle tenue sous la direction d’un Julien Chauvin très inspiré. Chauvin n’est pas le premier violoniste à diriger depuis le pupitre de 1er violon (Alessandro Moccia et Giuliano Carmignola ont fait de même en leur temps) ; mais il fait partie de ces chefs d’orchestre qui ont le don de survolter leurs musiciens


Compte rendu, concert. Saintes. Gallia Théâtre, le 7 mars 2022. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : concerto pour piano et orchestre N°24 en do mineur K 491 ; Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : sonate pour piano et violon en fa majeur N°5 « Le printemps » ; Joseph Haydn (1732-1809) : symphonie N°101 en ré majeur « l’horloge ». Jeune Orchestre de l’abbaye ; Olga Paschenko, piano. Julien Chauvin, 1er violon et direction.


* L’abbaye aux dames ayant une poutre dangereusement branlante, les concerts sont délocalisés au Gallia Théâtre. Le festival de Saintes, programmé du 16 au 23 juillet se déroulera dans divers lieux de la ville : cathédrale Saint Pierre, Auditorium de l’abbaye, Gallia Théâtre … La prochaine édition du festival fera d’ailleurs l’objet d’un article à venir.

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