Célimène Daudet propose un programme original pour son récital dans le cadre de Pianos piano au Théâtre Auditorium de Poitiers

 


Pour le deuxième concert de ce week-end exceptionnel, nos pas nous portent au théâtre et non à l’auditorium. La configuration pour ce concert est assez surprenante car la pianiste et les spectateurs sont tous installés sur la scène ce qui fait que la jauge est réduite à 300 ou 400 personnes au lieu d’un peu plus de 700 ; cette jauge réduite donne un petit côté intimiste qui colle assez bien au programme de Célimène Daudet.


Dès son arrivée sur le plateau, Célimène Daudet donne le ton de l’après midi : l’ambiance sera chaleureuse et décontractée. La jeune femme prend le micro posé à côté du piano et nous raconte comment est née l’idée de l’album qui donna son titre au programme du concert. L’impressionnant travail de recherche commencé en 2016 à Port au Prince l’a emmenée aux États Unis et au Canada, entre autres pays pour retrouver les partitions de ces compositeurs si méconnus ; et souvent, dit elle, ce sont des partitions autographes mal conservées qui ressortent des placards. On ne peut qu’admirer l’incroyable travail de patience que constitue cette recherche menée par Célimène Daudet. Une fois faite cette présentation, la jeune femme s’installe au piano et commence à dérouler son programme. Ainsi, les deux chants de la montagne de Justin Élie (1883-1931) emmènent l’auditeur dans les montagnes haïtiennes dans un dédale de sentiers et de sous bois plaisants. Célimène Daudet joue ces deux pièces, charmantes au demeurant, avec sobriété et gourmandise ; la technique idéale de la jeune femme lui permet de se transcender et de mettre avec talent la musique de ces compositeurs haïtiens sous les feux de la rampe. Les feuillets (N°1 et N°2) de Ludovic Lamothe (1882-1853) sont tout aussi bien interprétés ; Loco (icône vaudouesque) du même Lamothe est une pièce tout à fait inspirée du culte vaudou. Cela s’entend dans la musique et dans le jeu de Daudet très à l’aise avec cette musique encore trop peu connue. Prenant une courte pause, Célimène Daudet présente les danses qu’elle a programmé ; les méringues sont des danses populaires haïtiennes dont Justin Élie s’est emparé ainsi que Edmond Saintonge (1861-1907), le « doyen » des compositeurs du programme de Daudet. Cependant, Saintonge a « mélangé » le genre méringue à une musique plus sombre et typiquement occidentale : l’élégie. Et l’élégie méringue de Saintonge est un subtil alliage de deux genres très différents l’un de l’autre mais aussi très complémentaires ; les doigts agiles de Célimène Daudet donnent vie au chef d’œuvre de Saintonge avec sobriété. Les nuances et les tempos sont quasi parfaits et on ne peut qu’être sensible à cette musique qui, enfin sortie des placards ou elle sommeillait, donne une si belle image d’Haïti. Justin Élie donne à ses méringues populaires haïtiennes une touche très personnelle sans pour autant trahir la musique traditionnelle haïtienne.


C’est un récital exceptionnel que nous a proposé Célimène Daudet en ce samedi après midi. L’ambiance chaleureuse et décontractée voulue par la jeune femme a donné le petit plus qui transcende une après-midi. Le public ne s’y est pas trompé en réservant un accueil très chaleureux à Célimène Daudet qui a concédé un bis tout doux : étude N°1 opus 2 d’Alexandre Scriabine qu’il composa alors qu’il n’avait que 14 ans.


Compte rendu concert. Poitiers. Théâtre, le 13 novembre 2021. Justin Élie (1883-1931) : Chant de la montagne N°1, Chant de la montagne N°2, méringues populaires haïtiennes ; Ludovic Lamothe (1882-1953) : Feuillet d’album N°1, Feuillet d’album N°2, loco (icône vaudouesque), Danza N°1 « habanera », danza N°3, danza N°4 ; Edmond Saintonge (1861-1907) : Elégie-méringue ; bis : Alexandre Scriabine (1872-1915) : étude N°1 opus 2. Célimène Daudet, piano.

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