Le festival Concerts d’automne présente l’Orfeo de Monteverdi au Grand Théâtre de Tours



De retour à Tours pour le festival Concerts d’automne, nous nous installons, en ce vendredi soir, au Grand Théâtre pour une représentation de l’Orfeo de Claudio Monteverdi (1567-1643). Pour cette soirée exceptionnelle, les responsables de Concerts d’automne ont invité le très jeune ensemble I gemelli, fondé en 2018 par l’excellent ténor d’origine chilienne Emiliano Gonzalez-Toro. Et le moins que l’on puisse dire c’est que les musiciens et les artistes lyriques réunis pour l’occasion sont très liés par une belle et plaisante complicité. Lorsque Gonzalez-Toro a fondé I Gemelli en 2018, il a choisi ses artistes des choeurs et ses musiciens avec un soin tout particulier en fonction du répertoire sur lequel il souhaitait se focaliser ; e de fait, même si l’ensemble est l’un des multiples ensembles spécialisés dans la musique des XVIe et XVIIe siècles, les voix sont belles, solides, saines et l’orchestre donne de très belles choses à entendre.


Si nous regrettons la rareté de l’Orfeo de Claudio Monteverdi sur les grandes scènes lyriques françaises et internationales, nous apprécions grandement la production présentée par I Gemelli au Grand Théâtre de Tours. Si les madrigaux sont régulièrement repris (on se référera d’ailleurs à la très belle intégrale réalisée par Les arts florissants dirigés par Paul Agnew pour l’occasion), il n’en va pas de même pour son Orfeo dont nous rappelons qu’il a le redoutable honneur d’être le tout premier opéra de l’histoire de la musique. C’est donc le pari risqué, certes, mais réussi avec brio par Emiliano Gonzalez-Toro et son ensemble I Gemelli. Cette production mise en espace avec une belle sobriété mérite grandement d’être mise en avant, tant les voix sont belles et l’orchestre dirigé avec talent par l’organiste Violaine Cochard. L’Orfeo est donc défendu avec talent par I Gemelli dont les artistes et les musiciens sont visiblement sur motivés tant par le défi que représente l’Orfeo que par la présence d’un public venu nombreux. Vocalement, la première personne que nous voyons arriver sur scène est la Musica de Lauranne Oliva ; le prologue est interprété avec une belle assurance et nous apprécions la belle prestance de la jeune femme dont la voix claire, nette, bien maîtrisée envahit la salle avec aisance. Mlle Oliva chante également Euridice, mais la brièveté du rôle ne lui permet pas de s’exprimer réellement. Emiliano Gonzalez-Toro est est un très bel Orfeo ; la voix est chaude, saine, solide, avec une tessiture large. Il passe du plus grand bonheur au désespoir le plus sombre sans efforts sans que la voix en pâtisse ; dans la seconde partie, l’affrontement avec le Caronte de Jérôme Varnier est de très belle tenue. La belle voix de basse de Varnier donne au gardien de l’entrée des Enfers un mordant et une méchanceté très convaincants. Les choeurs sont parfaitement préparés et interprètent la partition de Monteverdi avec assurance et les chanteurs sortent « du rang » pour chanter les courts rôles dans lesquels ils ont été distribués ; parmi ces rôles secondaires on notera les très belles apparitions de Nathalie Perez (messagera), bien que son intervention soit assez ingrate puisqu’elle apporte à Orfeo la nouvelle de la mort de son épouse adorée, et d’Alix La Saux dont la belle voix de mezzo soprano envahit la salle sans efforts. L’orchestre dirigé par Violaine Cochard joue la brève ouverture d’Orfeo avec talent et panache. Bien que Violaine Cochard ait parfois une gestuelle étrange, elle n’en dirige pas moins ses musiciens avec une belle fermeté. Les tempos et les nuances sont quasi parfaits et on ne peut que saluer le fait que l’orchestre accompagne avec simplicité et sans jamais les couvrir solistes et chœurs ce qui est hautement appréciable. Nous tenons également à saluer le remarquable travail collectif réalisé en amont du concert par Emiliano Gonzalez-Toro et l'ensemble I Gemelli qu'il dirige avec talent. 


C’est un concert de très haute volée auquel nous avons assisté en ce vendredi soir. I Gemelli, ce jeune ensemble en devenir, a donné à l’Orfeo de Monteverdi la place qu’il mérite : le devant de la scène. Nous souhaitons à cette production un plein succès dans le futur. 


Compte rend, opéra. Tours. Grand Théâtre, le 15 octobre 2021. Claudio Monteverdi (1567-1643) : Orfeo, opéra en un prologie et cinq actes sur un livret d’Alessandro striggio. Emiliano Gonzalez Toro, Orfeo ; Lauranna Oliva, Euridice / La musica ; Juan Sancho, Pastore ; Fulvio Bettini, Apollo ; Alix Le Saux, La Speranza ; Nathalie Perez, Messagera ; Jérôme Varnier, Pastore / Caronte ; Nicolas Brooymans, Plutone ; Olivier Coiffet, Pastore ; Mathilde Etienne, Proserpina ; Maud Gnidaz, Ninfa. Violaine Cochard, orgue, clavecin et direction musicale ; Mathieu Boutineau, clavecin ; Marie-Domitille Murez, harpe ; Vincent Flückiger, luth ; Nacho Laguna, théorbe ; Annabelle Luis violoncelle ; Julien Léonard, Salomé Gasselin, Robin Pharo, Agnès Boissonot : viole de gambe ; Chloé Lucas, contrebasse ; Ryo Terakado, Stéphanie Paulet : violon ; Rodrigo Calveyra, Josué Meléndez : cornets / flûtes ; Catherine Motuz, Christine Haüsler, Miguel Tantos-Sevillano : sacqueboute ténor ; Fabio de Cataldo, Joost Swinkets : sacqueboute basse. Ensemble I gemelli, Emiliano Gonzalez-Toro, direction.

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