Stockhausen, Grisey et Messiaen au programme de l'ensembleLe Balcon à la salle du Dôme du Monêtier les bains




Après le remarquable récital de Jean François Heisser à La Grave le 29 juillet dernier, c’est à Le Monêtier les bains que nous portent nos pas, le temps d’un concert dans la salle du Dôme. Pour l’occasion c’est l’ensemble Le Balcon, fondé et dirigé par le jeune et talentueux Maxime Pascal qui a été invité par les responsables du festival Olivier Messiaen. Le jeune orchestre, il a été fondé en 2008, nous a proposé un opéra pour instruments « Le voyage de Michaël » tiré d’un ensemble de sept opéras composés par Karlheinz Stockhausen (1915-2007) intitulé Licht qui dure 29 heures. Les jeunes musiciens ont également interprété cinq pièces de Couleurs de la Cité Céleste d’Olivier Messiaen (1908-1992). Les accords perdus pour deux cors de Gérard Grisey (1946-1988) complètent un programme ambitieux et difficile.


Juste avant le début du concert, Maxime Pascal arrive sur scène pour annoncer lui même le changement de programme survenu depuis la publication du programme ; en effet, souffrante, la soprano Léa Trommenschlager n’a pas pu faire le déplacement au Dôme, le jeune chef d’orchestre a donc dû remplacer la pièce initialement prévue (« Pieta » pour soprano et deux bugles de Karlhenz Stockhausen [1915-2007)] par « Le voyage de Michaël » du même compositeur. Visiblement survolté, Maxime Pascal raconte avec beaucoup d’enthousiasme, et même avec passion, l’histoire de cet opéra très inhabituel puisque les solistes n’en sont pas des artistes lyriques mais des instruments. Le personnage principal, l’ange Michaël, est incarné par le trompettiste de l’ensemble ; On ne peut que saluer la performance splendide du jeune homme qui manie son instrument et les sourdines qui l’accompagnent avec talent tout en se déplaçant sur le plateau avec élégance. Le thème de Michaël, la « formule » (terme choisi par Stockhausen lui même), ainsi que la partition sont interprétés sans faiblesse, permettant au public de ressentir tout l’amour de Michaël pour les humains mais aussi et surtout pour la musique que l’ange veut absolument emmener dans le cosmos. Les deux clarinettistes, le couple d’oiseaux, nous offrent eux aussi une prestation de toute beauté, et la mise en espace, très sobre et aérée, leur permet de se déplacer, voire même de danser, avec beaucoup de grâce. Lucifer, l’ange déchu qui règne désormais sur les enfers, est incarné par le sombre trombone ; si les deux apparitions de Lucifer (la deuxième étant à la tête de l’armée des anges déchus) tournent à son désavantage, on ne peut pas ne pas l’entendre arriver et le « ballet » qui oppose les diables et les oiseaux est quasi parfait bien que la fin du match soit sifflée par Michaël et Mondeva, achevant ainsi l’ensemble des protagonistes qui s’effondrent sur le sol tels des pantins lâchés par leurs créateurs. Mondeva, incarnée par le cor de basset commence par appeler Michaël des coulisses avant de le rejoindre à Jérusalem ou le duo d’amour est interprété avec grâce et tant dans les nuances que dans les tempi adoptés, s’il se termine en coulisse, le temps de permettre aux oiseaux et aux anges déchus de s’affronter, il termine aussi le voyage de l’ange Michaël sur une belle note d’optimisme.


Après une longue pause, le temps d’installer le plateau, Maxime Pascal revient avec ses deux cornistes pour interpréter la deuxième œuvre au programme de cette belle après-midi : « Accords perdus pour deux cors » de Gérard Grisey (1946-1988). Cette pièce composée de cinq pièces miniatures nous laisse un peu sur notre faim, malgré une direction impeccable et une interprétation sans faiblesse de la part des deux cornistes. Pour terminer ce concert de très belle tenue, c’est tout l’ensemble qui arrive sur le plateau pour interpréter « Couleurs de la cité céleste » d’Olivier Messiaen (1908-1992). Le jeune chef d’orchestre dirige d’une main ferme, nerveuse, nette, précise un orchestre visiblement survolté qui suit son chef avec une précision millimétrée ; le jeune pianiste Alain Muller qui a rejoint Le Balcon pour l’occasion, interprète avec talent une partition difficile. Si Messiaen a soigné les parties orchestrales, tendues et sans temps morts, il n’a pas oublié la partie de piano, particulièrement complexe et dynamique. Mais Alain Muller ne tombe pas dans la facilité et relève le défi du compositeur parisien avec brio. Le Balcon interprète le chef d’œuvre de Messiaen, qui ne dure qu’une quinzaine de minutes, avec une vitalité remarquable ; Maxime Pascal utilise des tempi et des nuances quasi parfaits et insuffle une dynamique exceptionnelle à une œuvre bien loin des œuvres chrétiennes traditionnelles.


C’est un concert de très haute volée que nous ont proposé les musiciens de l’ensemble Le Balcon accompagnés par leur chef Maxime Pascal et par le jeune pianiste Alain Muller. Si on peu regretter que la soprano Léa Trommenschlager n’ait pu se joindre aux musiciens, le changement de programme était tout aussi parfaitement préparé que les autres œuvres présentées. Et le public , venu nombreux, ne s’y est pas trompé en réservant un accueil enthousiaste à l’ensemble des artistes présents sur le plateau.


Compte rendu concert. Le Monêtier les bains. Salle d u Dôme, le 1er août 2021 ; karlheinz Stockhausen (1915-2007) : Le voyage de Michaël (opéra pour instruments tiré de Licht) ; Gérard Grisey (1946-1988) : accords perdus pour deux cors ; Olivier Messiaen (1908-1992) : couleurs de la cité céleste : 1- Un arc en ciel encerclait le trône (apocalypse IV.3), 2- Et les sept anges avaient sept trompettes (apocalypse VIII.6), 3- On donna à l’étoile la clé du puits de l’abîme (apocalypse IX.1), 4- L’éclat de la ville sainte est semblable au jaspe cristallin (apocalypse XXI.11), 5- Les fondations du mur de la ville sont ornés de toute pierre précieuse : jaspe, saphir, Chalcédoine, émeraude, sardonyx, cornaline, chrysolithe, topaze, chrysoprase, hyacinthe, améthyste … (apocalypse XXI.19,20). Alain Muller, piano ; ensemble Le Balcon ; Maxime Pascal, direction.

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