Anne Pareuil, Thomas Morris et Mario Raskin investissent le château de Montsoreau pour une création particulière


 

Passant d’un château à l’autre, nous allons du majestueux château de Chambord au charmant château de Montsoreau dans le bucolique département du Maine-et-Loire. Après un concert de musique instrumentale de toute beauté nous avons eu droit à un concert de musique vocale original et assez réussi autour de Madame de Maintenon, épouse morganatique du roi soleil Louis XIV. Intitulé « L’épouse du Soleil ou Eh bien, chantez Maintenon », le spectacle alterne judicieusement théâtre et chant ; les scénettes théâtrales ont été écrites par l’alto Anne Pareuil, qui est aussi comédienne et écrivain, qui voue une grande admiration à la marquise qui partie de très bas a gravi patiemment les marches pour atteindre le sommet dans les dernières années de sa vie. C’est avec ses deux complices, le ténor Thomas Morris et le claveciniste Mario Raskin qu’Anne Pareuil présente pour la première fois cet étonnant spectacle. Le grand mérite de cette agréable gourmandise est de présenter des mélodies et morceaux de musique pour clavecin allant du XVIIe au XXe siècle sans que l’on s’ennuie une minute.



Malgré la petite taille de la salle, bien remplie au demeurant, les deux chanteurs ont réalisé une mise en espace, minimaliste certes, mais qui a le mérite de surprendre le public. C’est ainsi que les deux chanteurs arrivent par le fond de la salle en chantant le charmant duo de Reynaldo Hahn (1874-1947) « A Cloris ». L’alternance de la chaude voix d’alto d’Anne Pareuil et de la belle voix de ténor de Thomas Morris, qui chantent ensemble à leur arrivée sur la scène, donne le ton de la soirée. Les dialogues retracent la vie de Françoise d’Aubigné, future marquise de Maintenon, de sa naissance à la prison de Niort jusqu’à son mariage « secret » avec Louis XIV. Les deux mélodies de Darius Milhaud (1892-1974) « Chanson de négresse » et « Mon histoire » évoquent ainsi la vie de Françoise et de ses parents aux Antilles ; Anne Pareuil interprète ces deux mélodies avec l’amusant accent des îles qui donne un charme pétillant à cette partie du spectacle. Avec « L’opinion publique » tirée de l’opéra bouffe Orphée aux enfers de Jacques Offenbach (1838-1880) Thomas Morris évoque avec amusement la peur panique de Françoise, nouvellement nommée gouvernante des bâtards de Louis XIV et Athénaïs de Montespan, face aux cancans de la cour de Versailles. Thomas Morris enchaîne avec « Tandis que tout sommeille » (L’amant jaloux d’André Grétry[1741-1813]), après qu’il eût évoqué avec sa partenaire la jalousie furieuse du marquis de Montespan. Si la vie de la marquise de Maintenon ne manque pas de piquant, il est difficile de parler de tout ; nous nous attarderons donc sur les couplets de Monsieur Triquet tirés d’Eugène Onéguine (Piotr Illich Tchaïkovski (1840-1893). La mélodie est peut-être un peu tendue pour Thomas Morris, mais il s’investit totalement dans ce court et charmant air et en donne une interprétation agréable. La vraie réussite d’Anna Pareuil est d’avoir programmé des œuvres peu connues comme le très rare Omphale et Procris de Claude Terrasse (1867-1923) dont le duo « Omphale et Orphée » est fort joliment chanté ; c’est aussi l’occasion de découvrir une mélodie de Pierre Vellones (1889-1939) « D’une dévote – cinq épitaphes » et une cantate profane d’Antonio Vivaldi (1678-1741) : « Piango, gemo, sospiro … ». Accompagnateur discret mais talentueux, le claveciniste Mario Raskin soutient les deux artistes avec brio ; les introductions, parfois jouées sur la fin de chaque scénettes théâtrale permettent à l’auditeur de profiter du clavecin. La pavane de Louis Couperin (vers 1626-1681) permet à Mario Raskin de se mettre en valeur et de faire entendre son clavecin avec brio. On regrettera cependant un manque de lumière handicapant sur la fin de la soirée ; une lampe un peu plus forte aurait peut-être été utile.




C’est un concert qui ne manque pas de surprendre l’auditeur grâce à la judicieuse alternance de scènes parlées et de mélodies. Cette vie de la marquise de Maintenon, mise en musiques nous a également permis de découvrir des raretés à chaque période de l’histoire de la musique. La « Polka du roi » de Charles Trenet (1913-2001), chantée en duo clôt la soirée avec une dernière touche d’humour. Et le public ne s’y est pas trompé en réservant un accueil chaleureux aux trois artistes visiblement très émus de voir la salle bien remplie.




Compte rendu, concert. Montsoreau. Château, le 16 juillet 2021. Opéra / opéra bouffe : Jacques Offenbach(1838-1880) : L’opinion publique extrait d’Orphée aux enfers ; André Grétry (1741-1813) : Tandis que tout sommeille extrait de L’amant jaloux ; Piotr Illitch Tchaïkovski (1840-1893) : Couplets de Monsieur Triquet extrait d’Eugène Onéguine, Comptine de la comtesse extrait de La dame de pique ; George Friedrich Haendel (1685-1759) : Ah, mio cor extrait d’Alcina ; Claude Terrasse (1867-1923) : Omphale et Orphée (duo) extrait de Omphale et Procris ; Henry Purcell (1659-1695) : Air du génie du froid extrait de King Arthur ; mélodies : Reynaldo Hahn (1874-1947) : A Cloris (duo) ; Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Dans un bois solitaire et sombre ; Darius Milhaud (1892-1974) : Chanson de négresse, Mon histoire ; Alssandro Stradella (1643-1682) : Pietà Signore ; Jules Massenet (1842-1912) : On dit ; Pierre Vellones (1889-1939) : D’une dévote – cinq épitaphes ; Francis Poulenc (1899-1963) : L’offrande ; cantates : Antonio Vivaldi (1678-1741) : Piango, gemo, sospiro … (cantate profane) ; musique pour clavecin : Louis Couperin (vers 1626-1661) : pavane ; Variété : Charles Trenet (1913-2001) : La polka du roi (duo) . Anne Pareuil, alto ; Thomas Morris, ténor, Mario Raskin, Clavecin. Trio opératique enragé.

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