Les arts florissants investissent l’abbaye royale de Fontevraud


 


Après plus de six mois de fermeture, les sites culturels ont enfin pu rouvrir leurs portes le 19 mai dernier. Et pour notre premier concert depuis la fin du mois d’octobre 2020 (https://lyriqueinfo.blogspot.com/2020/10/apresun-concert-de-tres-haute-volee-en.html), nos pas nous portent en l’abbaye royale de Fontevraud ou Les arts florissants donnent leur premier concert depuis des mois. Le programme de ce concert est entièrement consacré à Jean Sébastien Bach (1685-1750). C’est donc dans une église abbatiale spécialement aménagée et bien remplie que nous nous installons pour cette après midi si particulière.




Dès l’arrivée du chœur et de l’orchestre par les côtés latéraux de la nef on note la belle sobriété des tenues des artistes visiblement très heureux de retrouver le chemin des plateaux. Pour ouvrir le concert, William Christie entame l’oratorio de l’ascension ; l’ouverture est dirigée avec une vigueur et un enthousiasme réjouissants. La direction de William Christie est ferme, claire, nerveuse, parfois un peu trop rapide mais la musique de Jean Sébastien Bach est servie avec une maestria et un panache incomparables. Le chœur, parfaitement préparé entame le chœur d’entrée « Lobet Gott in seinem Reichen » avec brio ; néanmoins si la musique passe parfaitement la rampe, on regrettera que le texte parvienne étouffé vers les derniers rangs, il est donc difficile de se faire une idée précise concernant la diction, tant pour le chœur que pour les solistes. Mais le public, très attentif, charmé et visiblement conquis oublie ce détail somme toute mineur tant le chœur, qui suit son chef au cordeau, envoûte l’église abbatiale. Côté solistes, William Christie a invité un quartet de toute beauté ; si on ne peut que regretter que Bach n’ait confié qu’un seul aria à la soprano, et en fin d’oratorio, Rachel Redmond, révélée par le Jardin des voix (édition 2011), en donne une belle et sobre interprétation. En ce qui concerne les solistes masculins, si nous apprécions trois très belles et solides voix, nous donnerons un accessit au contre-ténor Damien Guillon dont la solidité, l’expérience, la simplicité sont un exemple pour ses collègues qui sont pourtant remarquables. Moritz Kallenberg et Lisandro Abadie interprètent le chef d’œuvre de Bach sans fioritures et leurs voix se font entendre sans peine jusqu’aux derniers rangs de l’église abbatiale de l’abbaye de Fontevraud. Après une courte pause, le temps de préparer le plateau pour l’œuvre instrumentale, William Christie revient pour diriger la suite pour orchestre N°3 en ré Majeur BWV 1068. Cette suite est interprétée avec un panache et une gourmandise réjouissants; le bonheur de Christie et de ses musiciens de pouvoir rejouer ensembles est si audible que dès l’ouverture du chef d’œuvre de Bach, l’envie de danser sur la musique est présente. Si l’ouverture est remarquablement interprétée, ce sont bien la gavotte et la bourrée qui retiennent l’attention tant William Christie met en exergue la très belle musique de Bach dont on écoute là un très bel exemple de musique instrumentale. Avant de teminer la soirée, nous avons droit à une seconde courte pause pour permettre à l’orchestre de se rasseoir et au choeur de revenir pour la seconde œuvre vocale de l’après midi : le Magnificat. C’est aussi l’occasion de découvrir la seconde soliste féminine du concert : la soprano belge Gwendoline Blondeel. Si l’interprétation du Magnificat est tout aussi magistrale que l’Oratorio de l’ascension, nous avons trouvé le choeur d’entrée « Magnificat anima mea Dominum » un peu lent mais cela reste secondaire tant la musique et le chant sont magnifiés tant par la direction irréprochable de Christie que par l’interprétation splendide de l’ensemble des artistes présents sur scène. Le « Quia respexit humilitatem » permet au public de découvrir la très belle voix de Gwendoline Blondeel qui interprète ce verset avec une belle humilité. Le trio « Suscepit Israël » nous permet d’écouter Gwendoline Blondeel, Rachel Redmond et Damien Guillon accompagnés au hautbois solo par Pier Luigi Fabretti. Ce trio de toute beauté est sublimé par ces quatre artistes dont l’interprétation est accompagnée avec une subtile discrétion par un William Christie très inspiré.


L’abbaye royale de Fontevraud a accueilli un William Christie très en forme à la tête de son ensemble Les Arts Florissants. Le concert entièrement dédié à Jean Sébastien Bach nous a permis d’écouter deux très belles œuvres de musique vocale avec des solistes remarquables parmi lesquels se distinguent l’excellent contre ténor Damien Guillon et la jeune sorano Rachel Redmond, repérée par William Christie en 2010 et qui intégra le fameux Jardin des voix en 2011. Mais, ne nous y trompons pas, Gwendoline Blondeel, Moritz Kallenberg et Lisandro Abadie n’ont rien à envier à leurs collègues.


Compte rendu, concert. Fontevraud. Abbaye, auditorium, le 19 juin 2021. Jean Sébastien Bach (1685-1750) : oratorio de l’ascension BWV 11, suite pour orchestre N°3 en ré Majeur BWV 1068, Magnificat BWV 243. Gwendoline Blondeel, soprano ; Rachel Redmond, soprano ; Damien Guillon, contre ténor ; Moritz Kallenberg, ténor ; Lisandro Abadie, basse. Chœur et orchestre Les arts florissants ; William Christie, direction.


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