L'Orchestre de Chambre Nouvelle Aquitaine donne un somptueux Enfance du Christ au Théâtre Auditorium de Poitiers


Après un superbe noël russe en l'église Notre Dame La Grande de Poitiers et un beau Messie en l'abbaye royale de Fontevraud, c'est au Théâtre Auditorium de Poitiers que nous posons nos valises le temps d'un concert qui s'annonce exceptionnel. En effet, l'Orchestre de Chambre Nouvelle Aquitaine a programmé l'oratorio L'enfance du Christ d'Hector Berlioz (1803-1869) qui s'inscrit dans les derniers hommages au compositeur côtois disparu il y a cent cinquante ans. Jean François Heisser qui a déjà donné le chef d' œuvre de Berlioz au festival de La Côte Saint André 2018, a décidé de la présenter au public poitevin en cette féconde période de l'avent 2019. Pour l'occasion, outre le choeur de chambre Les pierres lyriques, basé à Pau, Jean François Heisser a invité un magnifique quatuor de solistes dont la mezzo soprano Sophie Pondjiclis est sans doute la plus connue tant en France qu'à l'étranger.

Dès l'entrée dans la salle, nous voyons l'orchestre, plus décontraté qu'à l'ordinaire, période de l'avent oblige, s'installer tranquillement sur la scène et s'accorder pupitre par pupitre. Pour ce concert exceptionnel c'est Jean François Heisser qui dirige l'ensemble des artistes ; c'est aussi une occasion unique d'écouter une œuvre rarement donnée ce qui est d'autant plus regrettable qu'on y trouve de fort belles pages. Si l'orchestre est particulièrement bien servi par un Berlioz visiblement très inspiré ; cela étant dit, il a été encouragé par le succès du choeur central « l'adieu à la Sainte Famille » composé sous un nom d'emprunt en 1850 et dont le succès l'encouragea à reconnaître qu'il était à l'origine de cette page et à composer l'oratorio tel qu'il se présente. D'entrée de jeu, l'Orchestre de Chambre Nouvelle Aquitaine s'approprie la partition et donne de très belles choses à entendre dès la symphonie d'ouverture, dirigée avec fermeté et élégance par un Jean François Heisser en grande forme.Mais c'est surtout le trio pour deux flûtes et harpe en fin de partition qui séduit le public ; et cette courte page inventive, dansante et dynamique mais apisante est un des grands moments de cet oratorio. Le choeur de chambre des Pierres Lyriques parfaitement préparé par son chef livre une très belle performance. En première partie le choeur d'hommes est installé sur le plateau et accompagne avec talent Erode dans sa très belle interprétation « Et bien ! Par le fer qu'ils périssent ! ». Quand au choeur de femmes, sa première intervention, en coulisse est d'autant plus remarquble que c'est un exercice difficile, et l'on admire la parfaite maîtrise du chef du choeur des Pierres Lyriques qui coordonne au millimètre sa direction avec celle de Jean François Heisser. C'est surtout dans « l'adieu à la Sainte Famille », la pièce centrale de la seconde partie (La fuite en Egypte) que le choeur a une occasion unique de se mettre en valeur et que le public peut apprécier l'excellent travail réalisé en amon du concert. Côté solistes, la basse Laurent Alvaro est un Hérode vocalement solide en plein doute tout en sachant au fond de lui qu'il perdra la bataille contre le Sauveur. Le songe d'Hérode est magnifiquement interprété ; le style, les nuances, le phrasé, la ligne de chant idéale, la tessiture parfaitement adéquate, rien ne manque à ce très bel artiste à la diction impeccable. Et l'on apprécie tout autant l'humanité et la compassion du père de famille ismaélite qui recueille la Sainte Famille à Saïs. Le ténor Kaëlig Boché est un récitant idéal dont la voix passe sans peine dans la salle. Si le songe d'Hérode et la fuite en Egypte sont fort bien rendus, c'est surtout dans la troisième partie (l'arrivée à Saïs) ou l'unique aria « C'est ainsi que par un infidèle fut sauvé le Sauveur ! » est interprété avec une sobriété et une simplicité bienvenue. Avec la très belle mezzo soprano Sophie Pondjiclis , on a une Marie humaine et déjà Sainte, tant sa foi en Dieu est forte, puissante. Si cette très belle artiste n'a pas de véritable aria comme Hérode ou le récitant, nous apprécions une voix puissante, parfaitement maîtrisée, aux nuances subtiles et dont on apprécie aussi les réelles qualités d'interprétation. Cette femme Sainte et Vierge entre toutes tente tout pour protéger ce bébé qui fait si peur à Hérode qu'il en vient à donner l'ordre de massacrer tous les nouveaux-nés en Judée. Le baryton Franck Lopez complète avec talent une distribution exceptionnelle ; il campe un Joseph amoureux et très protecteur mais aussi très conscient de la destinée remarquable de l'enfant dont les anges lui confient la garde jusqu'à ce qu'il accomplisse sa destinée.

Nous avons assisté à un concert de très haute volée en ce mardi soir avec un quatuor de solistes talentueux , très investis et visiblement très en forme. Nous espérons que l'Orchestre de Chambre Nouvelle Aquitaine enregistrera très bientôt ce très bel oratorio qui mérite grandement d'être mieux connu.

Compte rendu, concert. Poitiers. Auditorium, le 10 décembre 2019. Hector Berlioz (1803-1866) : l'Enfance du Christ. Sophie Pondjiclis, mezzo soprano, Marie ; Kaëlig Boché, ténor, récitant ; Laurent Alvaro, basse, Hérode, un père de famille ismaélite ; Franck Lopez, baryton, Joseph. Choeur de chambre Les pierres lyriques ; Orchestre de Chambre Nouvelle Aquitaine. Jean François Heisser, direction.

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