Raphaël Sévère une vie marquée du sceau de la clarinette


A quelques heures du concert qu'il devait donner au Théâtre Auditorium de Poitiers avec l'Orchestre de Chambre Nouvelle Aquitaine, le jeune clarinettiste Raphaël Sévère a accepté de m'accorder une interview au cours de laquelle nous avons évoqué sa carrière, si tôt commencée, le concert du jour au cours duquel il devait donner le concerto pour clarinette N°1 op 73 de Carl Maria Von Weber, et ses projets à venir.

Une carrière précoce

«Mon père est clarinettiste et enseignant au Conservatoire à Rayonnement Régional de Nantes. J'avais quatre ou cinq ans quand je lui ai dit que je voulais faire de la clarinette, mais il voulait d'abord j'essaye d'autres instruments comme le violoncelle ou le piano. J'ai donc appris ces deux instruments pendant quatre ou cinq ans.» nous dit Raphaël Sévère qui ajoute : «J'avais neuf ans quand mon père m'a laissé commencer l'apprentissage de la clarinette. Deux ans plus tard j'ai sauté huit classes d'un coup et je suis passé du premier cycle d'apprentissage à la deuxième année du troisième cycle.» Et de poursuivre : «J'ai été diplômé du CRR de Nantes à treize ans et, dans la foulée, j'ai commencé à préparer le concours d'entrée au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris (CNSMD). Ma mère n'était pas d'accord que j'aille vivre seul à Paris ; elle trouvait que j'étais trop jeune. Comme mes parents m'avaient laissé le choix, j'ai décidé de passer le concours que je voyais plus comme une forme d’entraînement que comme un examen de haut niveau.» nous dit ce jeune homme pressé ... «Une fois admis au conservatoire, je suis parti à Paris. Comme je ne voulais pas aller à l'internat du conservatoire, j'ai pris une chambre chez un particulier. Et comme ma mère voulait que je passe le baccalauréat, j'ai suivi des cours par correspondance. J'ai passé et eu mon baccalauréat en candidat libre à l'âge de quinze ans.» Une telle réussite a de quoi laisser coit tant le jeune homme ne cesse de surprendre par une simplicité à toute épreuve. Son talent inégalable lui permet de transformer en or tout ce qu'il touche : «J'avais onze ans quand j'ai commencé en tant que clarinettiste professionnel et douze quand j'ai remporté mon premier concours. Il s'agissait du concours international de Tokyo ; c'est LE concours que les clarinettistes du monde entier rêvent de remporter. les candidats qui peuvent participer à ce concours ont vingt-huit ans au plus ; je faisais partie des plus jeunes.» Ce sont les victoires de la musique classique qui ont révélé Raphaël Sévère alors qu'il n'avait que quinze ans. Une reconnaissance grandement méritée et assumée avec bonne humeur.

Le concert du 6 mars

Ce concert, dont le programme a été choisi par Jean François Heisser, comportait trois œuvres aussi différentes que possible les unes des autres. Celle qui nous intéresse ici est le concerto pour clarinette N°1 opus 73 de Carl Maria Von Weber (1786-1826). «Je connaissais déjà Jean François Heisser, que j'avais rencontré il y a quelques années à l'académie Ravel de Saint Jean de Luz. Pourtant, avant ce concert je n'avais encore jamais travaillé avec lui ; à Saint Jean de Luz j'étais soliste invité - mais sur un autre concert. Cette soirée est donc notre première collaboration. Tout s'est très bien passé pendant les répétitions, aussi bien avec Jean François qu'avec l'orchestre.» nous dit Raphaël Sévère, visiblement enchanté par cette première expérience. En ce qui concerne le concerto qu'il doit jouer le soir même, Raphaël Sévère nous dit : «Carl Maria Von Weber a été éclipsé par Beethoven ; pourtant la musique de Weber est très intéressante. Et la musique des deux hommes, contemporains, a le même rôle pré-romantique. Et leur musique est très opératique dans l'utilisation de l'instrument. Mais ne nous y trompons pas, interpréter un tel concerto est épuisant car c'est une œuvre très physique qui exige aussi une grande concentration. Cela étant dit, c'est une œuvre pleine de vie ; mais j'aime tout particulièrement le second mouvement du concerto. Lorsque vous l'écouterez ce soir, vous entendrez un dialogue entre la clarinette et le pupitre des cors ; dialogue qui dure trois ou quatre bonnes minutes mais qui est totalement prenant.» Le jeune clarinettiste prend visiblement un grand plaisir à interpréter la musique de Weber qui, il est vrai, est largement méconnue.

Les projets

Ils sont peu nombreux pour ce printemps mais ne sauraient tarder à se préciser : «Depuis la rentrée, j'ai beaucoup voyagé et joué un peu partout et n'ai pas eu le temps de prendre du repos, même pour les fêtes de fin d'année ; cela étant dit, je ne m'en plains pas. En décembre mon dernier CD, consacré à Olivier Messiaen (1908-1992), a été bien accueilli tant par la critique que par le public et j'en suis très heureux. Dimanche prochain, le 10 mars, je donnerai un concert avec Jonas Vitaud et Victor Julien-Laférière en Arles et le 4 avril, je participerai à un concert de levée de fonds organisé par Yann Arthus Bertrand salle cortot. Il y a d'autres projets mais ils ne sont pas complètement finalisés.»

Enfant prodige, artiste engagé, généreux et hyper-actif, Raphaël Sévère jette sur sa carrière si précoce, débutée alors qu'il n'avait que onze ans, un regard d'une humilité confondante. La sagesse et la simplicité de ce jeune homme de 25 ans peuvent en surprendre plus d'un, mais font de lui un grand artiste auquel on ne peut que souhaiter une longue et belle carrière.

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