L'Orchestre des Champs Élysées donne un somptueux concert Ravel pour terminer sa saison 18/19 à Poitiers
La
saison 18/19 du Théâtre Auditorium de Poitiers a été riche en
événements musicaux de grande qualité. Et l'ultime concert de
l'Orchestre des Champs Élysées ne fait pas exception à la règle.
Pour l'occasion, Philippe Herreweghe, le chef et fondateur de la
phalange, cède sa baguette à l'excellent chef d'orchestre Louis
Langrée que nous avons rencontré en amont du concert. Entre autres
projets l'orchestre monte une fois l'an des programmes 100% français
qui s'étalent sur deux saisons. Ainsi avons nous eu droit à un
cycle consacré à Claude Debussy (1862-1918) de toute beauté en
16/17 et en 17/18 également dirigé par Louis Langrée. Notons que
la seconde partie du cycle Debussy a coïncidé avec le centenaire de
la disparition du compositeur. Cette saison, c'est un cycle consacré
à Maurice Ravel (1875-1937) qui débute avec un programme très
alléchant ; programme pour lequel les responsables de l'Orchestre
des Champs Élysées ont invité la très jeune soprano égyptienne
Fatma Saïd pour les concerts de Poitiers, Saintes (abbaye aux dames)
et Le Mans (abbaye de l'Epau).
La
soirée débute avec deux œuvres qui ont le même titre
:Shéhérazade. Si Ravel avait, effectivement l'intention de composer
un opéra, celle ci n'a jamais été suivie des faits. L'ouverture
composée alors a changé «d'orientation» et est devenue une œuvre
symphonique intitulée «ouverture féerique». Louis Langrée,
chef d'orchestre exceptionnel, excellent musicien et fin connaisseur
de la musique française, prend le chef d’œuvre de Ravel à bras
le corps ; la direction est souple, énergique, claire, nette,
précise. Langrée module les nuances et les tempi avec la finesse et
la précision d'un orfèvre ; musicien passionné et passionnant, il
connaît son Ravel sur le bout des doigts et met en valeur chaque
note de cette Shéhérazade avec talent. La féerie, le fantastique
éclatent tels des feux d'artifices retenant l'attention d'un public
venu nombreux. La seconde Shéhérazade au programme de cette
très belle soirée est un court cycle de trois poèmes interprété
par la toute jeune soprano égyptienne Fatma Saïd. C'est une
découverte que fait le public ; la jeune femme qui est encore en
début de carrière possède une fort belle voix de soprano. Louis
Langrée est très attentif à sa chanteuse qu'il accompagne avec une
élégance rare ; d'ailleurs, mademoiselle Saïd, fait montre d'un
professionnalisme surprenant pour une si jeune artiste. La tessiture
est large et parfaitement assumée ; de beaux graves, un médium
magnifique des aigus insolents passant la rampe sans aucun problème.
Même quand l'orchestre joue forte, on entend parfaitement la voix
dans toute la salle ce qui est appréciable ; on ne peut qu'apprécier
une diction excellente, même si nous regrettons que le texte soit
étouffé par une acoustique peu favorable aux voix. Visiblement
surprise par l'accueil chaleureux du public, Fatma Saïd, qui n'avait
pas prévu de bis, chante une courte chanson populaire égyptienne
dont le titre français, «La blanche colombe», est très
poétique. En chantant A cappella, la jeune femme réussit
parfaitement un exercice difficile et risqué ; la chanson est
courte, mais tout y est : justesse, précision, diction idéale.
Au
retour de l'entracte, on change de registre ; avec «Ma mère
l'oye» on quitte l'univers
féerique de Shéhérazade pour entrer dans celui de Charles
Perrault. Les cinq pièces mises en musique par Ravel ne manquent pas
de séduction ; Louis Langrée toujours aussi survolté dirige
l'Orchestre des Champs Élysées avec une énergie sans égale. La
battue est toujours aussi claire, nette, précise ; les nuances et
les tempi sont modulés avec la même rigueur qu'en début de soirée.
Quant au public, il manifeste le plaisir et la satisfaction qu'il
ressent en applaudissant, fort inhabituellement, entre chaque pièce.
En interprétant avec un dynamisme peu commun «La valse»,
le dernier morceau du programme officiel, l'Orchestre des Champs
Élysées entraîne dans un tourbillon festif. Si nous apprécions
une musique vive, dynamique, forte, on peut regretter des tempi
parfois un peu trop rapides. Cela étant dit, cela n'altère en rien
l'excellente qualité du concert auquel nous avons assisté en ce
mardi soir. En 2018, nous avions eu droit à un «petit» bis,
Prélude à l'après midi d'un faune, en 2019, Louis Langrée prend
le temps de parler de Ravel et de sa musique avec une réelle
tendresse, et on ne peut qu'être sensible à une présentation aussi
claire, précise et sans fioritures. Après quoi, l'OCE interprète
le menuet du «Tombeau de Couperin»,
composé pendant la première guerre mondiale ; dans sa globalité,
cette œuvre marque un changement dans le ton, plus sérieux, plus
grave, moins «fou» qu'avant la guerre.
L'Orchestre
des Champs Élysées, dirigé pour l'occasion par un Louis Langrée
en grande forme a donné un concert de toute beauté en ce début de
semaine. Excellent musicien, fin connaisseur de la musique française,
dont il est d'ailleurs un grand spécialiste, Louis Langrée nous a
donné une leçon de musique grandeur nature. On ne peut que se
féliciter de voir que les responsables de l'OCE, donnent aussi leur
chance à de jeunes et prometteuses voix comme Fatma Saïd.
Compte
rendu, concert. Poitiers. Auditorium, le 21 mai 2019. Maurice
Ravel (1875-1937) : Shéhérazade, ouverture féerique ;
Shéhérazade, trois poèmes pour voix et orchestre ; Ma mère l'oye,
cinq pièces enfantines ; La valse ; La blanche colombe, chanson
populaire égyptienne (bis N° 1) ; Le tombeau de couperin, menuet
(bis N° 2). Fatma Saïd, soprano ; Orchestre des Champs Élysées.
Louis Langrée, direction.
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