Le nouvel an viennois arrive au Théâtre Auditorium de Poitiers


 

Il est rare, voire même exceptionnel, de voir l’Orchestre des Champs Elysées arriver au Théâtre Auditorium de Poitiers avec un programme de musique viennoise. Seulement, voilà, on est en 2025 et cette année on célèbre le bicentenaire de la naissance de Johann Strauss II (1825-1899). Il était donc difficile de passer à côté d’un tel anniversaire (comme en 2013 lorsque l’on célébra avec faste le bicentenaire de Giuseppe Verdi (1813-1901) et de Richard Wagner [1813-1883]). C’est donc avec un programme tournant autour de Johann Strauss II que Philippe Herreweghe et ses musiciens arrivent à Poitiers. Mais si « on a droit » à nombre d’œuvres de ce compositeur prolifique, les responsables de la phalange ont également programmé des danses hongroises de Johannes Brahms (1833-1897) et quelques extraits d’opérettes de Franz Lehàr (1870-1948). Cela étant dit, un concert du nouvel an sans la célébrissime Marche de Radetzky de Johann Strauss I (1804-1849) n’est pas un concert complet. Et Philippe Herreweghe, très en forme, enclin à parler et même à faire de l’humour prend un véritable plaisir à diriger cette dernière œuvre.


Pour équilibrer les deux parties de la soirée et ne pas plomber l’une ou l’autre, les œuvres de Johann Strauss II ont été interprétées dès le début de la soirée ce sont les Danses hongroises de Johannes Brahms (1833-1897) qui ouvrent le concert. Des quatre danses choisies (N° 1, N° 3, N° 4 et N° 5) dans un catalogue qui en compte vingt et une, la N°1 et la N°5 toutes les deux en sol mineur sont les plus connues. La lecture de Philippe Herreweghe, visiblement très en forme, est ferme, nerveuse, dynamique ; la direction rigoureuse et très en verve du chef enchante un public venu nombreux pour ce premier concert de l’année 2025. La musique sublime de Brahms trouve là des interprètes brillants. Si le concert du nouvel an de Vienne (Autriche) ne présente que des œuvres de musique instrumentale, celui de l’Orchestre des Champs Elysées contenait aussi des extraits d’opérettes de Johann Strauss fils et de Franz Lehàr (1870-1948). Pour interpréter ces œuvres, les responsables de la phalange picto parisienne ont invité la séduisante soprano munichoise Judith Spiesser ; la jeune femme arrivée à Poitiers au pied levé a brillamment remplacé l’artiste initialement invitée qui était souffrante. Die Fledermaus (La Chauve souris) est l’opérette la plus connue de Strauss et on la voit d’ailleurs montée régulièrement tant en France qu’à l’étranger. A l’occasion de cette soirée du nouvel an, Judith Spiesser interprète le célèbre air d’Adèle « Mein Herr Marquis ». Si la musique de Strauss semble facile au premier abord, ne nous y trompons pas, il a truffé cette mélodie de pièges en tous genres : vocalises, trilles … Et la chanteuse doit avoir du répondant pour restituer cet aria difficile. Judith Spiesser se ballade dans l’interprétation de « Mein Herr Marquis». Des graves aux aigus, la soprano munichoise maîtrise parfaitement son instrument, elle vocalise et trille avec un art consommé, la diction est parfaite. Excellente comédienne, elle n’hésite pas à se déplacer dans le petit espace qui lui a été laissé sur le plateau tout en faisant ressortir les sentiments mutins d’Adèle. Visiblement survoltée et parfaitement guidée par Philippe Herreweghe, Judith Spiesser interprète avec talent un extrait de Giuditta : l’air de Katharina « meine lippen sie kussen so heiss ». Mais si les deux extraits d’opérettes présentés sont superbement interprétés, la Frühlingesstimmen walzer avec soprano opus 410 est magistralement présentée. La version orchestrale, la première composée, a été reprise par Strauss qui a ajouté une partie vocale particulièrement difficile ; les vocalises sont d’une difficulté peu commune et Spiesser les interprète sans faiblesse. La jeune femme prend un plaisir évident à chanter cette valse peu évidente et l’accueil qu’elle reçoit du public est enthousiaste. Comme de bien entendu, le programme « officiel » d’un concert du nouvel an « normal » s’achève avec le Beau Danube bleu. La lecture de Herreweghe est de très belle facture : nerveuse, dynamique, la main ferme. Le public est si content de retrouver l’Orchestre des Champs Elysées qu’il lui réserver un accueil enthousiaste. Philippe Herreweghe, très enclin à parler annonce lui même les deux bis : « Mein Herr Marquis » qui nous permet de réécouter Judith Spiesser et, comme de bien entendu, l’incontournable Marche de Radetsky composée par Johann Strauss I (1804-1849) en 1848, après que le célèbre maréchal ait contribué à conserver les privilèges de la noblesse autrichienne au moment des révolutions de 1848 qui éclatent un peu partout dans l’empire autrichien.


C’est un concert de très belle facture que l’Orchestre des champs Elysées a présenté à un public venu nombreux à l’auditorium du TAP* en ce froid mercredi de janvier. La présence de Judith Spiesser, qui a remplacé sa collègue souffrante au pied levé était un atout incontestable tant elle a brillamment interprété les pièces vocales programmées pour cette soirée exceptionnelle.


Compte rendu, concert. Poitiers. Auditorium, le 8 janvier 2025. Johannes Brahms (1833-1897) : danses hongroises (N°1 en sol mineur, N°3 en fa majeur, N°4 en fa mineur, N°5 en sol mineur) ; Johann Strauss II (1825-1899) : Valse « Geschicht aus dem Wienerwald » opus 325, Die Fledermaus (air d’Adèle « Mein Herr Marquis»), Polka « Eljen a Magyar ! », Pizzicato Polka, Frühlingesstimmen walzer avec soprano opus 410, Le beau Danube bleu opus 314 ; Johann Strauss I (1804-1849) : Marche de Radetzky opus 228 ; Franz Lehàr (1870-1948) : Giuditta (air de Katharina « meine lippen sie kussen so heiss »), Der Zarewtisch (« Kosende Wellen »). Bis : Mein Herr Marquis (reprise de l’extrait de Die Flerdermaus interprété en début de soirée) ; Johann Strauss I (1804-1849) : Marche de Radetzky. Judith Spiesser, soprano ; Orchestre des Champs Elysées (effectif de 60 musiciens) ; Philippe Herreweghe, direction.


* TAP : Théâtre Auditorium de Poitiers


Crédit photo Judith Spiesser : Nordic Artists Management

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