Parlez moi d’amour : l’ensemble Jacques Moderne fait la cour à son public avec son nouveau programme


 

Fidèle intervenant du festival Concerts d’automne, l’ensemble Jacques Moderne ne cesse de surprendre un public toujours plus nombreux. Pour le concert d’ouverture de la huitième édition de la manifestation, désormais bien implantée dans le paysage national et international, Joël Suhubiette, son directeur artistique et musical, a monté un programme chanté A Cappella original autour de l’amour courtois ; ce fut aussi pour Joël Suhubiette et une partie de ses chanteurs d’aller dans les écoles tourangelles pour présenter l’amour courtois, le français ancien et, plus généralement, la période renaissance dont est issu ce nouveau programme de concert. Et les motets religieux et chansons profanes ne manquent pas en la matière ; comme il fallait faire des choix, Joël Suhubiette s’est concentré sur trois compositeurs français très prolifiques en la matière : Roland de Lassus (1532-1594), Josquin Desprez (vers 1440-1521) et Nicolas Gombert (vers 1495-vers 1560).


Avec l’ensemble Jacques Moderne, on ne s’étonne plus de rien tant, depuis cinquante ans, il a su s’imposer dans le paysage musical français ; et le très beau programme « Parlez moi d’amour », créé à l’occasion du concert d’ouverture de Concerts d’automne, a séduit un public venu nombreux en l’église Saint Julien de Tours. Quand on parle de musique ancienne (à peu près jusqu’au début du XVIIe siècle quand « l’apparition » de l’Opéra, l’Orfeo de Monteverdi, en 1607 marque la naissance de cette période), on parle aussi de français ancien et de latin à la française. Les compositeurs de la période renaissance sont légion et nous ont laissé en héritage un impressionnant corpus de musique vocale. Les œuvres des trois compositeurs que Joël Suhubiette a choisies pour ce nouveau programme, créé à l’occasion du festival Concert d’automne, sont un exemple de ce qui circulait alors en France. Si l’on sait peu de choses sur Nicolas Gombert (vers 1495-vers 1560), dont on ne connaît même pas les dates exactes de naissance et de mort, on connaît au moins son œuvre ; et elle est imposante. Le charmant motet « Veni dilecta mea » extrait du Cantique des cantiques interprété à 11 voix de Gombert est interprété avec panache par les onze chanteurs de l’ensemble Jacques Moderne. Mais la soirée débute avec les œuvres de Roland de Lassus (1532-1594). Le premier motet « Veni dilecte mi », tiré du Cantique des cantiques, est interprété dans les nefs latérales ; les trois sopranos sont installées devant le maître autel alors que les autres pupitres s’installent entre les premiers pylones des nefs latérales tandis que Joël Suhubiette dirige depuis le milieu de la nef principale. Les onze voix s’élèvent sous les voûtes de l’église Saint Julien sans efforts parfaitement ensemble et avec une justesse parfaite. Mais les motets religieux ne sont qu’une partie du programme. Car il y a aussi des chansons des trois compositeurs du programme. Et celles de Josquin Desprez (vers 1440-1521) sont charmantes ; et leur interprétation en français ancien leur donne un charme désuet assez charmant au demeurant. Ainsi, par exemple, si l’on lit moy, on entend « moet ». L’interprétation de « Tenez moy en vos braz » séduit tout en faisant sourire tant entendre du français ancien peut sembler incongru ; mais c’est aussi ce qui fait le charme de ces mélodies qui ont beaucoup à apprendre aussi bien aux enfants qu’aux adultes. Si chaque motet, chaque chanson est interprété(e) à deux, quatre, six ou onze voix, chacun résonne dans l’église avec force et sans aucune faiblesse. La direction ferme, nerveuse, dynamique de Joël Suhubiette donne à cette soirée des couleurs d’automne et d’amour qui rayonnent au-delà de l’église Saint Julien faisant oublier l’horreur des évènement survenus quelques heures avant.


C’est un concert de très haute volée que l’ensemble Jacques Moderne et Joël Suhubiette ont offert au public, fidèle et nombreux en ce vendredi d’ouverture de festival. Et il ne s’y est pas trompé ce public en réservant un accueil enthousiaste à l’ensemble des artistes présents devant le maître autel de l’église Saint Julien.


Compte rendu concert. Tours. Eglise Saint Julien, le 13 octobre 2023. Roland de Lassus (1532-1594) : Cantique des cantiques – motets : Veni dilecte mi, Tota Pulchra est, Vulnerasti cor meum, Audi dulcis amica mea, Veni in hortum meum ; chansons : Bonjour mon coeur, je l’ayme bien, Ô foible esprit, Ô doux parler, Holà Caron ; Josquin Desprez (vers 1440-1521) : Cantique des cantiques – motet : Ecce tu pulchra es ; chansons : Mille regretz, Tenez moy en vos braz, Allegrez moy, Ma bouche rit ; Nicolas Gombert (vers 1495-vers 1560) : Cantique des cantiques – motet : Veni dilecta mea ; chansons : Secourez moy, Ayme qui vouldra, mille regretz. Axelle Bernage, Corinne Bauhaud, Cécile Dibon, sopranos ; Gabriel Jubin, Léopold Laforge, altos ; François-Olivier Jean, Marc Manodritta, Guillaume Zabe, ténors ; Didier Chevalier, Cyrille Gautreau, Thierry Peteau, basses. Ensemble Jacques Moderne. Joël Suhubiette, direction.

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