Gabriel Fauré célébré par Cyrille Dubois et Tristan Raës : l’intégrale des mélodies est sortie en coffret

 

Gabriel Fauré (1845-1924) a laissé un corpus musical imposant pendant sa longue carrière, mais ce sont surtout les œuvres pour clavier et les mélodies qui ont acquis une importance particulière dans l’histoire de la musique moderne. Si les mélodies ont très vite et très souvent été enregistrées, c’est la première fois qu’un artiste lyrique, Cyrille Dubois en l’occurrence, accompagné par le talentueux Tristan Raës prend le temps de travailler en amont et d’enregistrer dans un seul coffret de trois CD l’intégralité du corpus mélodique d’un compositeur considéré de longue date comme l’un des plus importants de la musique française. Sorti le 27 mai dernier, ce coffret fait office de véritable rareté car on trouve plus souvent des récitals alliant, souvent avec bon goût, plusieurs compositeurs. Si je regrette que les responsables d’Aparté n’aient pas choisi une plus belle photo de couverture, j’apprécie de voir que cet excellent ténor qu’est Cyrille Dubois s’est attelé avec enthousiasme à une tâche aussi ardue, car on parle, là, de quatre heures de musique. Il est à noter que ces mélodies ont été composées à l’origine pour mezzo soprano et / ou baryton, elles ont donc été transposée pour ténor ce qui ne peut que laisser songeur par rapport à des mélodies comme « la chanson d’Eve » par exemple.

Dès la première note de la première mélodie je note avec plaisir que la diction de Cyrille Dubois est impeccable ; si c’est un critère indispensable, voire même non négociable, rares sont les artistes qui y font véritablement attention et Dubois en fait partie. L’autre très belle surprise de ce coffret c’est la musicalité exceptionnelle qui ressort de l’ensemble. La voix claire, légère mais ferme de Dubois correspond assez bien dans l’ensemble à la musique de Fauré ; en plus il bénéficie aussi de l’accompagnement remarquable du pianiste Tristan Raës avec qui il travaille depuis de longues années. Dès les premières notes de la courte et charmante mélodie « mai », qui ouvre l’album, les deux hommes s’accordent sur une interprétation sobre et tout en nuances. Le beau et discret jeu de Raës accompagne Cyrille Dubois avec une maîtrise quasi parfaite du piano. Le cycle « cinq mélodies de Venise » est interprété avec la même délicatesse ; on ne peut qu’apprécier la belle lecture de Dubois qui donne à Fauré des couleurs inattendues. Le plus inattendu dans ces quatre heures de musique, c’est le cycle « La chanson d’Eve », le plus connu des cycles et mélodies de Fauré, composé à l’origine, pour voix de mezzo soprano. Si la transposition pour ténor pourrait susciter quelques interrogations, elles sont balayées d’emblée car le duo Dubois / Raës balaie ces doutes en donnant une lecture remarquable de ces mélodies : elle est sobre, précise, nette, sans fioritures. Si je n’ai rien à redire par rapport à l’interprétation des autres mélodies, tout aussi belle et tout en simplicité, je mettrais volontiers en avant les cycles « poème d’un jour » et « l’horizon chimérique » dont l’interprétation par le duo Dubois / Raës si délicieusement charmante clôt le coffret avec talent.

C’est un coffret de très belle tenue que nous offrent Cyrille Dubois et Tristan Raës. A l’origine, ce coffret devait sortir fin 2020 / début 2021, mais la crise sanitaire en a décidé autrement et l’ensemble des mélodies de Fauré a été enregistrée en deux sessions : la première en 2020 (juste avant le premier confinement) ; la seconde en 2021 repoussant ainsi sa sortie à 2022. Cela étant dit, je me réjouis que le coffret, qui bénéficie du prestigieux parrainage du palazzetto bru zane, soit désormais dans les bacs et on ne peut que s’incliner devant l’impressionnant travail réalisé par Cyrille Dubois et Tristan Raës qui ont été parfaitement accompagnés pendant les deux ans de travail que ce beau projet a nécessité.

Compte rendu CD. Gabriel Fauré (1845-1924) : intégrale des mélodies. Cyrille Dubois, ténor ; Tristan Raës, piano. Trois CD. Aparté 2022 sous le parrainage du palazzetto bru zane. Durée : 3 heures 52