L’Orchestre des Champs Élysées célèbre son trentième anniversaire au Théâtre des Champs Élysées

 


Il y a des évènements qui marquent une vie ; et la saison anniversaire de l’Orchestre des Champs Élysées fait partie de ceux qui ne s’oublient pas. 30 ans ce n’est quand même pas rien ainsi que le remarquait Philippe Herreweghe lors de la réception du dimanche matin. « Au départ, nous voulions juste former un petit orchestre. Je venais de passer vingt ans à faire de la musique baroque et je voulais voir autre chose, passer à d’autres périodes de la musique dite classique. » nous dit il en substance. Après un quiz musical très divertissant et animé avec beaucoup d’humour par l’un des membres de l’équipe de l’OCE et une vente aux enchères au profit de la phalange, elle donne le dernier concert de sa tournée consacrée à l’un des plus grands et des plus beaux chef d’œuvres de Gustav Mahler (1860-1911) : Das lied von der erde (Le chant de la terre).




A l’origine, c’est la mezzo soprano tchèque Magdalena Kozena qui devait interpréter la partie de mezzo de cette œuvre si connue et complexe, mais souffrante elle a dû renoncer au concert parisien et c’est sa collègue canadienne Michèle Losier, disponible et présente à Paris ce week-end là, qui l’a remplacé au pied levé. Visiblement très en forme la phalange entame avec gourmandise le chef d’œuvre de Mahler. Cet immense lied (mélodie de langue allemande) qu dure environ une heure est décomposé en six « petits » lieder chantés alternativement par le ténor et la mezzo soprano. Avec « Das Trinklied vom Jammer der Erde » (La Chanson à boire de la douleur de la Terre) c’est le ténor qui « lance » les chants composés par Mahler. Andrew Staples est doté d’une belle voix ferme et puissante qui passe sans efforts la rampe des étages de la salle ; le ténor anglais, très en voix chante cet « hommage » à la terre souffrante (il est difficile de ne pas songer à la manière dont l’humanité traite actuellement la terre et au réchauffement climatique ambiant) avec un engagement total. Si j’ai apprécié la belle voix de ténor de Staples et la direction de Philippe Herreweghe toujours aussi dynamique, j’ai trouvé que dans ce premier lied l’orchestre et le chanteur étaient trop souvent en mode forte. Une ou deux nuances auraient été bienvenues dans cette mélodie d’entrée au demeurant fort bien interprétée. Ainsi que je le disais plus haut, Magdalena Kozena était souffrante pour le concert parisien et a été avantageusement remplacée par la mezzo soprano canadienne Michèle Losier. Le premier lied de la mezzo soprano canadienne « Der Einsame im Herbst » (Le solitaire en automne) est plus méditatif ; et l’interprétation tout en douceur de cette mélodie très automnale est d’autant plus remarquable que Michèle Losier n’a pu bénéficier que du raccord pour se mettre au diapason de ses collègues. La belle voix de mezzo de Losier s’élève dans la salle avec une aisance confondante et on ne peut qu’apprécier le professionnalisme de Michèle Losier qui a fait sienne, avec maestria, une partition difficile sans efforts.




La « nouveauté » de cette version de Das lied von der erde, qui entre au répertoire de l’Orchestre des Champs Élysées à l’occasion des 30 ans de la phalange, est que le chef d’œuvre de Mahler est joué sur des instruments d’époque. Et le son tiré de l’orchestre est en effet différent de celui des instruments modernes. Quant à la direction de Philippe Herreweghe elle et efficace, dynamique, sans temps morts ; j’ai également apprécié la gestuelle sobre et précise d’Herreweghe qui donne les départs au cordeau. Si j’ai regretté que le premier lied soit interprété sans réelles nuances, dans l’ensemble, la lecture de Philippe Herreweghe du chef d’œuvre de Mahler n’en est pas moins remarquable ; très attentif à ses deux chanteurs, et une fois passé le premier lied, Herreweghe veille à mettre les deux voix an valeur avec un accompagnement exceptionnel. Je ne doute pas une seconde que la phalange ne pourra que s’améliorer dans ses futures interprétations du Chant de la terre.


Malgré les imperfections inhérentes à toute première interprétation d’un chef d’oeuvre comme Das lied von der erde, Michèle Losier, Andrew Staples, l’Orchestre des Champs Élysées et Philippe Herreweghe ont donné une très belle interprétation du chef d’œuvre de Mahler. Nous espérons en tout cas revoir ce « lied géant » bientôt en concert.


Compte rendu, concert. Paris. Théâtre des Champs Élysées, le 15 mai 2022. Gustav Mahler (1860-1911) : Das lied von der erde. Michèle Losier, mezzo soprano ; Andrew Staples, ténor. Orchestre des Champs Élysées ; Philippe Herreweghe, direction.


Crédit photo Michèle Losier : Michael Slobodian

Crédit photo Andrew Stamples : Jonathan Barker

Crédit photo Orchestre des Champs Elysées : Arthur Péquin

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