Igor Stravinsky servi avec maestria par Isabelle Faust et ses invités

Si 2021 a été l’occasion de célébrer nombre d’anniversaires – naissances ou décès – , notamment le centième anniversaire de la mort de Camille Saint Saëns (1835-1921), il en est un qui est plus ou moins resté dans l’ombre, c’est le cinquantième anniversaire de la disparition d’Igor Stravinsky (1882-1971). Plusieurs concerts ont cependant été donnés et des CDs sont sortis pour célébrer « l’évènement » ; celui d’Isabelle Faust est l’un d’entre eux, publié par Harmonia Mundi, et est de très belle tenue.

On ne présente plus Isabelle Faust qui est l’une des meilleures violonistes en activité. Pour ce nouvel opus, la célèbre violoniste allemande a concocté un programme alléchant sur le papier ; et ce CD tient toute ses promesses tant Faust et ses invités – pas des moindres, notons le – s’impliquent totalement dans ce beau projet. L’élégie pour violon seul qui ouvre le CD est interprétée tout en douceur par une Isabelle Faust très inspirée ; les nuances et les tempos sont quasi parfaits et très vite on entre dans l’univers si particulier de Stravinsky que la violoniste sert avec talent. Le duo concertant pour violon et piano qui suit est composé de cinq courts mouvements ; Isabelle Faust et Alexander Melnikov interprètent le chef d’œuvre de Stravinsky avec une vivacité peu commune. Les deux artistes s’entendent à merveille et chaque mouvement est joué, ciselé avec un soin rare. On ne peut que saluer cette très belle lecture de ce duo concertant que Faust et Melnikov ont pris à leur compte sans coup férir. Avec L’histoire du soldat, cette musique de scène composée sous forme de mélodrame en musique qui reprend le mythe de Faust, on entre dans le coeur du programme. Le pacte faustien est décrit avec une précision glaçante par un Stravinsky très inspiré. Si à l’origine Stravinsky avait prévu trois récitants (le diable, le soldat, le récitant), de nos jours c’est un seul récitant qui interprète tous les rôles. Le comédien Dominique Horwitz prend à son compte la partie parlée du chef d’œuvre de Stravinsky ; la voix chaleureuse d’Horwitz enveloppe l’auditeur et l’entraîne dans l’univers glauque du mythe de Faust sans effort. Je redécouvre cette œuvre avec plaisir d’autant que le petit orchestre prévu par Stravinsky interprète la partie musicale avec un entrain communicatif ; Isabelle Faust, chef de file et d’orchestre prend un vrai plaisir à jouer et à diriger la musique de Stravinsky qui éclate de mille feux.

C’est un très beau CD que nous propose Isabelle Faust. J’apprécie de voir que Faust et ses compères rendent grandement justice à Igor Stravinsky dont le cinquantenaire de la disparition a été largement éclipsé par les célébrations du centenaire de la mort de Camille Saint Saëns (1835-1921). Et pourtant Stravinsky a composé des œuvres de toute beauté qui gagneraient à être mieux connues.

Compte rendu CD. Igor Stravinsky (1882-1971) : Elégie pour violon seul ; duo concertant pour violon et piano ; l’histoire du soldat. Isabelle Faust, violon ; Alexander Melnikov, piano ; Lorenzo Coppola, clarinettes ; Javier Zafra, basson ; Reinhold Friedrich, cornets à pistons ; Jörgen Van Rijen, trombone ; Wies de Boevé, contrebasse ; Raymond Curfs, percussions ; Dominique Horwitz, récitant (le narrateur, le soldat, le diable). 1 CD. Harmonia Mundi.