Retour dans l'Europe médiévale d'Hildegarde Von Bingen


Quittant la fraîcheur de la vallée de l'Alzou, nous montons dans la ville haute de Rocamadour pour nous rendre dans la charmante petite chapelle de l'hospitalet tout juste restaurée et qui ouvre ses portes aux récitals de l'après midi du festival de Rocamadour. Après le très beau concert de Renaud Capuçon, c'est un court récital de musique sacrée médiévale qui nous est proposé. Si l'on peut s'étonner de passer du coq à l'âne, on ne s'en formalisera pas non plus car c'est précisément ce qui fait le charme des festivals comme Rocamadour. La jeune et sympathique mezzo soprano Anne Bertin Hugault nous invite à visiter l'univers de Sainte Hildegarde Von Bingen. Cette nonne qui vécut au XIIe siècle était aussi une femme de lettres et un médecin de renom. Forte tête, elle n'hésitait pas à dire leur fait aux grands personnages de son époque. Prévu pour durer une trentaine de minutes, Anne Bertin Hugault a dû faire des choix cornéliens ; nous apprécions d'autant plus ce moment de partage que la jeune femme présente chaque mélodie dont elle lit aussi les traductions.

On notera d'emblée qu'Anne Bertin Huguault chante a cappella ; c'est un pari risqué tant on sait que chanter juste et en ryhme est difficile même quand on « s'attaque » à la musique médiévale. Anne Bertin Huguault réussit parfaitement cet exercice difficile et donne à entendre à son public un récital de très haute volée ; la voix saine, solide, parfaitement maîtrisée résonne dans la chapelle dont l’acoustique idéale nous permet de profiter pleinement de l’œuvre d'Hildegarde Von Bingen. Avec « Simphonie des harmonies célestes » la sainte nonne a composé un livre d’œuvres dédié à Marie, la Sainte mère de Jésus Christ ; ce sont des extraits de ce livre que nous écoutons en ce beau vendredi d'août. Ces quelques mélodies nous permettent aussi d'apprécier la large tessiture de la voix qui monte sans aucun effort dans les aigus ; avec O splendidissima gemma et Alleluia O virga mediatrix la louange à Marie est pleine d'espoir mais aussi très sobre car ces prières revêtent, au delà de l'aspect strictement mélodique, un caractère intimiste très fort. « l'accompagnement » des clochettes, qu'Anne Bertin Huguault choisit en fonction des mélodies donne un aspect un peu mystérieux au récital tout en permettant à la jeune femme de « garder le cap ».

Nous avons assisté à un récital unique tant il est rare de consacrer tout un programme à la musique médiévale. Et quand ce programme, aussi court soit il, est consacré à la toute première compositrice connue dans le monde, on passe là en mode exceptionnel. Il faut une bonne dose de confiance d'un côté, et les responsables du festival de Rocamadour en ont fait preuve, et d'audace de l'autre, Anne Bertin Huguault n'en a pas manqué, pour aboutir à un tel moment de grâce. On ne peut qu'espérer revoir la jeune mezzo dans un futur proche quelque soit l’œuvre ou le programme proposé.

Compte rendu concert. Rocamadour. Chapelle de l'hospitalet, le 16 août 2019. Hildegarde Von Bingen (1098-1179) : « Simphonie des harmonies célestes » : O Pastor, O aeterne Deus, O splendidissima gemma, O quam pretiosa, Hodie, Caritas, O vos angelis, Alleluia O virga mediatrix. Anne Bertin Huguault, mezzo soprano.

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