Des Vêpres royales à Saint Dyé : L'ensemble Jacque Moderne illumine l'église du village avec un programme exceptionnel

Chaque année le festival de Chambord délocalise un concert à l'église de Saint Dyé sur Loire. pour l'édition 2019, c'est l'ensemble Jacques Moderne fondé il y a plus de quarante ans qui investit les lieux avec un programme « vespral » centré sur l'Italie du XVIIIe siècle. Joël Suhubiette, qui a monté ce programme, s'est concentré sur deux compositeurs romains : Alessandro Scarlatti (1660-1725) et Pietro Paolo Bencini (1675-1755). Les deux hommes ont tous les deux été maîtres de chapelle à Rome ; l'un à l'église Santa Maria dell'anima puis à la Cappella Giulia au cœur même de la cité du Vatican, l'autre à l'église San Girolamo dellla carita. Si Alessandro, dont le second fils, Domenico, deviendra lui même compositeur, est reconnu tant comme compositeur d'opéra (plus de cent œuvres nous sont parvenues) que comme compositeur d'église (cantates, motets, psaumes ...), Bencini, lui, est resté très largement méconnu, bien que sa production, essentiellement religieuse, représente un corpus non négligeable.

Dès les débuts de la chrétienté, la religion a tenu une place essentielle en Italie et en Europe ; les offices se déroulaient (c'est encore le cas de nos jours) à horaire fixes et réguliers de prime (le premier office de la journée) à vêpres (le dernier, juste avant la tombée du jour). A l'arrivée de l'ensemble, nous notons l'effectif réduit : dix chanteurs accompagnés de trois musiciens constituant la basse continue. Dès le début de la soirée, nous apprécions la beauté des voix qui dialoguent en un chœur unique ou en un double chœur selon que nous écoutons des chœurs, psaumes, antiennes ou cantiques sélectionnés pour ces vêpres un peu particulières. La direction de Joël Suhubiette est claire, nette, précise elle est également sobre car l'office de Vêpres ne souffre aucun effet de manche. Si nous apprécions l'atmosphère de recueillement qui plane dans l'église alors que débute le concert, il nous faut aussi reconnaître que Joël Suhubiette a su choisir ses chanteurs avec un soin et une rigueur sans faille. Le Deus in adjutorium de Bencini qui ouvre le concert donne le ton de la soirée : précision, justesse, diction excellente. Même si la musique et les textes tournoient sous les voûtes de l'église et parviennent parfois étouffés dans les travées de la petite église, nous découvrons une musique d'apparence simple mais complexe à exécuter. Les solistes sortent du rang à intervalles réguliers. Ainsi avons nous l'occasion d'écouter Cécile Dibbon (Antienne Leva ejus) dont la belle voix de soprano envahit l'église sans efforts. Le contre ténor Gabriel Jublin (Antienne Dum esset Rex et Beatus Vir) séduit tant par une voix saine, solide et parfaitement maîtrisée que par une interprétation sans faiblesse des deux pièces qui lui sont attribuées ; l'excellente soprano Julia Wieschniewski qui chante le Beatus Vir avec Gabriel Jublin séduit elle aussi et le duo de solistes sublime ce psaume 111 par une parfaite entente et une très belle harmonie vocale. D'Alessandro Scarlatti nous retiendrons le très beau psaume 112 Laudate Pueri Dominum parfaitement interprété par le choeur et le cantique Magnificat superbement interprété par une Juliette Perret très en voix.

L'ensemble Jacques Moderne, habitué du festival de Chambord a donné un très beau concert, digne de l'église qui l'accueillait en ce chaud mercredi soir. Avec ces « Vêpres romaines », mettant en avant les deux maîtres de chapelle qu'étaient Pietro Paolo Bencini et Alessandro Scarlatti, Joël Suhubiette, très en forme et, visiblement très inspiré, a donné une image, parmi tant d'autres, de ce qu'étaient les Vêpres à Rome au début du XVIIIe siècle. Nous avons eu la chance de voir dix excellents chanteurs survoltés et très en voix, parmi lesquels la basse Matthieu Lelevreur que nous avions eu l'occasion de voir lors du concert d'ouverture du festival ; il était alors avec l'ensemble Doulce Mémoire. Saluons également les trois musiciens qui constituaient la basse continue et qui ont accompagné les chanteurs avec talent et simplicité.

Compte rendu concert. Saint Dyé. Eglise Saint Dyé, le 10 juillet 2019. Pietro Paolo Bencini (1675-1755) : Deus in adjutorium, antienne : Leva ejus, psaume 109 : Dixit Dominus, antienne : Nigra sum, psaume 111 : Beatus Vir, Antienne : Dum esset Rex, Hymne : Ave Maris Stella ; Alessandro Scarlatti (1660-1725) : psaume 112 : Laudate Pueri Dominum, Lauda Jerusalem, Cantique « Magnificat ». Cécile Dibon, soprano ; Cyprile Meier, soprano ; Juliette Perret, soprano ; Julia Wischniewski, soprano ; Gabriel Jublin, contre ténor ; Margot Mellouli, alto ; Marc Manodritta, ténor ; Guillaume Zabé, ténor ; Didier Chevalier, basse ; Matthieu Le Levreur, basse. Rémi Cassaigne, théorbe ; Hendrike Ter Brugge, violoncelle ; Emmanuel Mandrin, orgue. Ensemble Jacques Moderne ; Joël Suhubiette, direction.

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