Une voix exceptionnelle au Théâtre Auditorium : Karine Deshayes arrive à Poitiers pour un récital voix/piano 100 % français
Depuis
le début de la saison 18/19 on a eu droit à plusieurs concerts de
très belle tenue. Et même si Véronique Gens n'est venue que pour
trente minutes de chant, Philippe Herreweghe avait invité l'une de
nos plus belles artistes pour un concert exceptionnel. En ce mardi
soir, c'est une autre très belle artiste française qui arrive sur
la scène de l'auditorium pour un récital voix/piano en la personne
de l'excellente mezzo soprano Karine Deshayes. Elle était
accompagnée, pour l'occasion du pianiste Jonas Vitaud. Aux côtés
de Claude Debussy (1862-1918), dont on fête le centenaire de la
disparition, et auquel on rend en cette fin d'année un ultime
hommage, on trouve les compositeurs Gabriel Fauré (1845-1924) et
Henri Duparc (1848-1933).
Le
début du concert est consacré à Jonas Vitaud, qui joue des œuvres
de musique instrumentale de Claude Debussy (1862-1918). Si la ballade
et la suite bergamasque ont été effectivement composées pour
piano, ce n'est pas le cas du prélude à l'après midi d'un faune
que Jonas Vitaud a transcrit pour son instrument. Si techniquement,
il n'y a aucun reproche à faire, les nuances, le jeu sont quasi
parfaits mais un petit supplément d'âme et de chaleur auraient été
bienvenus. Des trois œuvres présentées en première partie, j'ai
quand même eu une petite préférence pour la ballade, plus sereine
et sobre alors que j'ai trouvé que le prélude de la suite
bergamasque était plus «frappé» que joué, du moins dans les
premières mesures. Quant au faune, j'ai tendance à préférer la
version originale pour flûte et orchestre que la version pour piano
même si cette transcription a permis à Vitaud de montrer sa
virtuosité.
Au
retour de l'entracte, nous avons enfin le plaisir de voir Karine
Deshayes arriver sur scène. Visiblement très en forme, la mezzo
soprano parisienne entame les chansons de bilitis, composées par
Debussy dans un style déclamatoire, avec style et sobriété. Si
j'ai pu apprécier la musicalité exceptionnelle de cette voix
remarquable, j'ai regretté que les textes parviennent déformés en
fond de salle. C'est d'autant plus dommage que les poèmes de Pierre
Louÿs ne manquent pas de charme et mériteraient d'être mieux mis
en valeur. Le cycle «La bonne chanson» opus 61 de Gabriel Fauré a
été, à l'origine, composé pour ténor et piano puis, arrangé par
Fauré lui même, pour ténor et quintette à cordes ; Cependant
Karine Deshayes ne chante que quatre mélodies sur les neuf du cycle.
Comme précédemment, la voix est ferme, parfaitement maîtrisée, la
ligne de chant impeccable, la tessiture assumée avec arrogance. De
fait on ne peut qu'apprécier une interprétation aussi impeccable,
même si le texte se perd toujours un peu dans l'auditorium.
Néanmoins, j'ai un petit faible pour les mélodies d'Henri Duparc,
excellent mélodiste mais aussi compositeur intransigeant qui jetait
impitoyablement à la poubelle tout ce qui ne lui convenait pas. Si
La vie antérieure et Philydé sont de très belle facture, c'est
L'invitation au voyage, la plus célèbre des mélodies présentées
en ce mardi soir, qui retient l'attention tant Karine Deshayes cisèle
avec un art consommé chaque mot, chaque note.
C'est
de nouveau un très beau concert auquel nous avons eu droit en ce
mardi soir tant Karine Deshaye et Jonas Vitaud étaient l'un et
l'autre en grande forme. Je regrette cependant que la salle ait été
si peu remplie tant la niveau était élevé. Le public présent ne
s'y est cependant pas trompé en réservant un accueil chaleureux aux
deux artistes qui ont concédé deux bis avec «Après un rêve» de
Debussy et «Beau soir» de Fauré. Bien sur on peut toujours pointer
du doigt des défauts d'interprétation ou d’acoustique, plus à
cause du texte que des mélodies pianistiques, mais le charisme des
artistes présents sur scène fait oublier ces défauts somme toute
très relatifs. Plus ennuyeux étaient les grésillements fort
désagréables entendus en début de soirée ; fort heureusement la
réactivité des personnels du Théâtre Auditorium a permis de
régler rapidement les choses.
Compte
rendu, concert. Poitiers. Auditorium, le 11 décembre 2018. Claude
Debussy (1862-1918) : Ballade,
suite bergamasque, prélude à l'après midi d'un faune
(transcription Jonas Vitaud), chansons de bilitis (La flûte de pan,
La chevelure, Le tombeau des naïades), après un rêve (bis N°1) ;
Gabriel Fauré (1845-1924)
: 4 mélodies extraites de la bonne chanson Op 61 (Puisque l'auberge
grandit, La lune blanche, N'est ce pas ? L'hiver a cessé), beau soir
(Bis N°2) ; Henri Duparc (1848-1933)
: La vie antérieure, L'invitation au voyage, Philydé. Karine
Deshayes, mezzo soprano ; Jonas Vitaud, piano
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