Alexis Kossenko : Un talent et une ambition au service de la musique
Quelques
jours après son passage à La Rochelle ou il a dirigé deux
représentations des Noces de Figaro de Wolfgang Amadeus Mozart
(1756-1791), le chef d'orchestre Alexis Kossenko a accepté de nous
accorder une entrevue téléphonique au cours de laquelle nous avons
abordé, avec bonne humeur et humour, sa carrière, ses multiples
activités en tant qu'instrumentiste et en tant que chef, avec son
ensemble Les Ambassadeurs, la tournée des Noces de Figaro
actuellement en cours, ainsi que les divers projets qu'il a en tête.
Sa
carrière
«J'ai
grandi dans une famille de mélomanes et j'ai très vite écouté de
la musique; dès l'âge de trois ou quatre ans j'ai voulu être chef
d'orchestre, tant ces «gourous» qui semblaient tenir l'orchestre
sage me fascinaient.» nous dit il avec un sourire. Alexis
Kossenko ajoute : «Ma volonté était claire, mais mes parents m’ont
convaincu que pour devenir chef d'orchestre, je devait commencer par
apprendre à jouer d'un instrument. Parmi les instruments à la
portée de leur budget, j'ai choisi la flûte traversière… j’avais
cinq ans. Je l'ai tellement aimé que j’en ai oublié mes rêves de
chef (pour un temps, du moins !) ; le démon de la musique ancienne
m’ayant séduit à un très jeune âge, j'ai vite appris à jouer
de toutes les sortes de flûtes qui me tombaient sous la main de la
flûte à bec à la flûte traversière moderne (j’ai été élève
d’Alain Marion au Conservatoire National Supérieur de Paris) en
passant par les flûtes renaissance, baroque ou classique.». Et de
conclure : «J'ai ainsi pu aborder un répertoire très large et
passionnant, avec une variété de couleurs inégalables. J'ai ainsi
jouer en orchestre et en soliste avec les meilleurs orchestres
spécialisés : Gli Angeli (Stephan MacLeod), le Concert Spirituel
(Hervé Niquet), le Concert d’Astrée (Emmanuelle Haïm), la Grande
Ecurie et la Chambre du Roy (Jean-Claude Malgoire), l’Orchestre
Révolutionnaire et Romantique (John Eliot Gardiner), La Chambre
Philharmonique (Emmanuel Krivine), l’Orchestre des Champs-Elysées
(Philippe Herreweghe) … Mais je souhaitais aussi pouvoir évoluer
en dehors du répertoire spécifique de la flûte...»
Les
Ambassadeurs
«...
Et c'est pour cela que j'en suis venu à vouloir fonder mon propre
ensemble. J'ai été rattrapé par mon passé.» conclut il avec un
grand sourire. «C'est
en pensant à l'orchestre de Dresde, très réputé au XVIIIe siècle
pour son excellence, son riche répertoire et sa palette de couleurs
inégalée que j'ai fondé Les Ambassadeurs en 2011. Depuis nous
avons aussi abordé un large répertoire d’oeuvres baroques, puis
classiques et romantiques (galas Rossini), et même quelques
incursions au XXème siècle avec Fauré, Tavener, Barber (un disque
à paraître chez Sony avec le violoncelliste Christian-Pierre La
Marca) ». Kossenko poursuit : «Nous ne nous cantonnons nullement à
la musique instrumentale, la musique vocale est pour moi
incontournable, et je poursuis avec Les Ambassadeurs l’idéal de
rendre l’orchestre aussi éloquent et expressif que la voix
humaine, une formidable émulation lorsque nous nous associons avec
des chanteurs de talent. C'est ainsi que nous avons enregistré le
premier récital de Sabine Devielhe, consacré à Rameau ; disque
couronné d’un diapason d’or de l’année 2014 (entre autres
récompenses) et suivi d’une grande tournée ». La production des
Noces de Figaro qu'il dirige en ce moment lui permet de faire une
entrée fracassante dans le milieu opératique.
Les
noces de Figaro
La
production montée par la co[opéra]tive et Loïc Boissier est un
coup d'essai : «Les directeurs des quatre Scènes Nationales sont
venus nous écouter lors d'un de nos concerts. Visiblement ce qu'ils
ont entendu les a convaincu puisqu'ils m'ont appelé pour me proposer
de diriger la production qu'ils souhaitaient monter.» Alexis
Kossenko poursuit : «Nous savions qu'il y aurait au moins huit
dates; mais
le projet a suscité un intérêt formidable et nous le donnons au
final… 24 fois ! Nous voulions choisir un opéra accessible à tous
(en vérité le plus pétillant et le plus théâtral d’entre tous
!) pour permettre à ceux qui n'allaient jamais à l’opéra d’y
trouver leur compte et de ne pas s’ennuyer une seconde… il faut
désacraliser l’idée que s’en font les gens qui hésitent à s’y
rendre ! Ainsi, les Noces de Figaro se sont tout naturellement
imposées à nous.».
Et concernant la distribution : «Nous avons vu et écouté de
nombreux artistes. Le
niveau était très élevé. Dans notre choix, nous avons été
guidés par les qualités vocales de chacun, bien sûr, mais aussi
par leurs qualités de comédiens. Nous avons réussi à composer une
distribution jeune, dynamique et soudée, avec l’esprit d’une
véritable troupe ; Et ce malgré les pointures que sont un Thomas
Dolié, un Yuri Kissin, une Emmanuelle de Negri. La présence des
vétérans que sont Frédéric Caton et Eric vignau est un véritable
bienfait pour les plus jeunes chanteurs.».
Et quand nous évoquons le jeu des acteurs, il confesse : «J'ai
parfois beaucoup de mal à garder mon sérieux en les voyant sur le
plateau.» Le
chef conclut: «Notre but véritable n’est pas seulement
d'accompagner les artistes sur scène avec efficacité, mais d’aller
de faire entrer le théâtre dans la fosse d’orchestre ; la
mécanique de Mozart est tellement bien huilée, tellement parfaite,
que chacun des instruments est un acteur à part entière, pas un
faire-valoir.»
Les
projets
«Depuis
le mois de septembre nos activités se sont littéralement emballées.
Après un programme Rossini, donné avec Sabine Devielhe à Grenoble
et à Bruges puis après
l’enregistrement d’un nouveau disque pour Sony, une tournée du
programme «Tempesta»** avec Blandine Staskiewicz qui culmina en
triomphe à la Salle Gaveau ,
nous sommes occupés par la tournée des Noces de Figaro qui va durer
jusqu'à fin janvier.». Dynamique, Kossenko ne s'arrête pas en si
bon chemin : «Après cette tournée nous préparerons nos concerts
2016 qui
nous emmèneront aux festivals de Weimar, de Potsdam, de
Saint-Riquier, au Wigmore Hall, en résidence Salle Gaveau, …»
Depuis 2015, l'activité d'Alexis Kossenko n'a jamais été aussi
dynamique, à l'image du jeune chef des Ambassadeurs. Après la très
belle expérience des Nozze di Figaro, Les ambassadeurs ont poursuivi
leur activité de musique instrumentale. Dès le mois de septembre,
Kossenko dirigera Cosi tutte, le second opéra de la « triade »
Mozart/Da Ponte tout en dirigeant Le nozze di Figaro au Royal Danish
Opéra. Après une série de concerts instrumentaux, Il dirigera Les
paladins (Jean Philippe Rameau) à Oldenburg (Allemagne) tout en préparant une série de concerts consacrés à l'ensemble des cantates de Jean Sébastien Bach.
Infatigable
troubadour, Alexis Kossenko ne manque ni d'ambition ni de projets. Et
son parcours remarquable et très cohérent laisse songeur tant le
jeune chef met tout son cœur et son énergie à servir un art qu'il
a appris à aimer dès son plus jeune âge. Nous souhaitons un
parcours riche en succès et en émotions à ce jeune orchestre
dynamique et prometteur dirigé par un chef talentueux.
*
La co[opéra]tive est l'association de quatre scènes nationales :
Les deux scènes (Scène Nationale de Besançon), Le théâtre
impérial de Compiègne (Scène Nationale de l'Oise en
préfiguration), Le Bateau Feu (Scène Nationale de Dunkerque), Le
théâtre de Cornouailles (Scène Nationale de Quimper).
**
L'enregistrement de ce programme (chez Glossa) a été récompensé
par l'Orphée d'or de l'Académie du disque lyrique
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