Le verdict de minuit : le mythe d’Orphée revisité par l’ensemble Ars Nova
De tous les mythes qui jalonnent l’histoire de l’humanité, celui d’Orphée est sans doute celui qui a été le plus mis en musique. Si les compositeurs se sont généralement concentré sur le couple d’Orphée et Eurydice, le reste du mythe, ce qui se passe avant et après la mort d’Eurydice, est méconnu. Car en effet « après la mort d’Eurydice, Orphée part en expédition avec Jason et les argonautes et après les avoir quitté il part en Égypte » nous dit Benoît Sitzia qui a étudié à fond le mythe « au point que je n’arrive pas à en sortir tellement j’ai « vécu » avec Orphée pendant toute la période ou nous avons travaillé sur le projet ». La rencontre post-concert est aussi l’occasion de découvrir l’ascendance de la harpe et du santour , mais aussi d’en apprendre un peu plus sur la Ligeti Guitar, un instrument très difficile à jouer même pour des musiciens chevronnés. Cette pièce musicale originale, présentée en trois tableaux, a été composée à six mains par Benoît Sitzia (né en 1990), Deirdre McKay et Gregory Vajda (né en 1973). Ces trois tableaux sont précédés par une improvisation de la jeune et séduisante compositrice franco iranienne et musicienne Farnaz Modarresifar (née en 1989).
Une mise en espace originale
Lorsqu’on entre dans le vaste auditorium du TAP, on est directement plongé dans la pénombre. Quelques réverbères sont disposés sur la scène ou est également installé en fond de scène un écran ou défilent les textes dont on nous apprend dans le programme de salle qu’ils ont été écrits par Benoît Sitzia. Les lumières sont parfaites et on ne peut qu’apprécier la « chorégraphie » lumineuse réalisée par l’équipe qui accompagne l’ensemble Ars Nova dans ce nouveau projet.
Trois tableaux magnifiquement réussis
La soirée débute par une improvisation au santour interprétée par Farnaz Modarresifar (née en 1989) qui rejoint Ars Nova pour l’occasion. Cela permet de découvrir des instruments peu connus en Occident. Ainsi le santour, venu d’Iran, appartient à la famille des cithares sur table ; et Farnaz Modarresifar en est une interprète remarquable. Dès le retour d’une lumière tamisée, c’est un Orphée et Eurydice composé par Benoît Sitzia (né en 1990) que l’ensemble Ars Nova interprète. La musique du jeune compositeur, il n’a que 35 ans, donne un nouvel éclat au couple mythique. On doit se souvenir que, si Christoph Wilibald Gluck (1714-1787) fait renaître Eurydice après qu’Orphée ait enfreint l’ordre de Pluton de ne pas se retourner avant la sortie définitive des enfers, dans le mythe, la jeune nymphe ne revient pas des enfers après la « faute » de son poète de mari et qu’Orphée part avec les argonautes qu’il sauve de plusieurs pièges mortels pendant leur expédition. Avec Le verdict de minuit, qui donne son titre à l’ensemble de « la pièce », de la compositrice irlandaise Deirdre McKay (née en 1972) on entre dans un univers fantastique qui pare le mythe d’Orphée de couleurs nouvelles venues d’Irlande. Et avec La mort d’Orphée de Gregory Vajda (né en 1973) on passe dans un univers plus intimiste mais qui n’est pas forcément triste. Vajda a composé une pièce d’une quinzaine de minutes qui fait entrer le spectateur dans un monde inattendu et plein de surprises. En composant Orpheus songs, Benoît Sitztia met un autre instrument peu connu à l’honneur : la ligeti guitar. La guitare « traditionnelle » est ici « accompagné » par un système, le capodastre, créé par Katalin Koltaï, qui intègre l’ensemble Ars Nova pour ce projet. Mais ce système original qui donne de nouvelles possibilités à la guitare, rend aussi l’instrument très difficile à jouer, même pour des musiciens chevronnés. La pièce de Sitzia est d’autant plus intéressante qu’elle pousse l’auditeur dans un univers qu’il ne connaît pas nécessairement puisqu’il connaît essentiellement le mythe autour du couple que forment Orphée et Eurydice.
Ce concert familial, puisqu’il ne dure qu’une heure, m’a permis de découvrir des parties du mythe d’Orphée que je ne connaissais pas : le départ d’Orphée avec Jason et les argonautes et le séjour en Egypte qu’il fait après avoir quitté l’expédition des argonautes. Mais il m’a aussi permis de « faire connaissance » avec deux instruments rares : le santour, forme de cithare d’origine iranienne, et la ligeti guitar « inventée » par Kalalin Koltaï. Le verdict de minuit, donné en création mondiale au Théâtre Auditorium de Poitiers gagne à être connu et la tournée qui va suivre mérite que l’on s’y intéresse de très près. Je ne saurais trop vous inviter à aller assister aux concerts à venir en famille car cela vaut vraiment le détour.
Compte rendu, concert. Poitiers. Auditorium, le 14 mai 2025. Farnaz Modarresifar (née en 1989) : improvisation pour santour seul ; Benoit Sitzia (né en 1990) : Orphée et Eurydice, Orpheus songs pour ligeti guitar ; Deirdre McKay (née en 1972) : le verdict de minuit ; Gregory Vajda (né en 1973) : la mort d’Orphée. Farnaz Madarresifar, santour ; Katalin Koltaï, ligeti guitar ; Pierre Simon Chevry, flûte ; Eric Lamberger, clarinette ; Cédric Bonnet, cor ; Isabelle Cornélis, percussion ; Catherine Jacquet, violon ; Benoît Morel, alto ; Isabelle Veyrier, violoncelle. Ensemble Ars Nova. Gregory Vajda, direction. Katalin Koltaï, benoît Sitzia, Grefory Vajda, direction artistique ; benoît Sitzia, livret, scénographie et textes.
Crédit photo : Stéphanie Molter
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