L'ensemble Stradivaria donne un beau Messie à Fontevraud


Poursuivant notre périple de l'avent, nos pas nous portent vers l'abbaye royale de Fontevraud qui propose en ce samedi soir, le célèbre oratorio Le Messie de Georg Friedrich Haendel (1685-1759). Si le public connait bien sûr le célébrissime Alleluia qui conclut la seconde partie (passion) il existe d'autres très belles pages comme « Comfort ye … Ev'ry valley » pour ténor qui ouvre l'oratorio ou le très beau « Rejoyce greatly » pour soprano. Pour l'occasion, les responsables de l'abbaye de Fontevraud ont invité l'ensemble Stradivaria qui est accompagné du choeur Aria Voce, de la Schola de la cathédrale Saint Pierre et Saint Paul de Nantes et d'un beau quatuor de solistes nettement dominé par le contre ténor Jean Michel Fumas. Pour cette soirée, très alléchante sur le papier, Daniel Cuiller a choisi de présenter la version originelle du Messie qu'Haendel composa en trois semaines du 22 août au 12 septembre 1750.

Dès la symphonie d'ouverture, nous apprécions la direction ferme et précise de Daniel Cuiller qui connait son sujet sur le bout de la baguette ; nous aurions cependant aimé entendre une ouverture un peu plus dynamique. Ces tempos lents qui sont efficaces pour l'ouverture et les intermèdes musicaux ont tendance à desservir les solistes qui ont parfois bien du mal à entrer dans leur partie. L'ensemble Stradivaria joue avec talent une partition difficile et sans temps mort ; néanmoins des tempos un peu plus vifs tant pour la symphonie d'ouverture que dans la suite de la partition musicale pourtant parfaitement interprétée. Le choeur, parfaitement préparé par son chef donne de très belles choses à entendre à commencer par le choeur d'entrée « And the glory of the Lord shall be revealed » ; nous regretterons par ailleurs une interprétation assez lente du célébrissime « Alleluia » et de l'« amen » final censés glorifier Notre Seigneur dans l'allégresse. Quelles que puissent être les réserves que nous émettons quant aux tempos choisis, le choeur, qui est très sollicité pendant toute la soirée, livre une performance remarquable qui aurait pu être parfaite avec des tempos un peu plus dynamiques. Côté solistes, si nous apprécions la belle voix de soprano de Michiko Takahashi, elle nous gratifie d'un « Rejoyce greatly » bien peu convaincant. La voix, pourtant adéquate au répertoire haendélien, passe mal la rampe, les vocalises sont hachées, voire savonnées, les nuances sont inexistantes ; après la pause, salutaire pour la soprano, nous entendons une Michiko Takahashi totalement différente : la voix est ferme, assurée, les nuances viennent naturellement, le diction nettement meilleure, et les trois airs dévolus à la soprano en deuxième et troisième parties sont chantés avec une sûreté de métier peu commune. En revanche, l'excellent contre-ténor Jean Michel Fumas entre dans la partition sans efforts. Dès son air d'entrée « But who may abide the day of His coming », l'artiste stéfanois, très en voix en ce froid samedi soir, nous donne à entendre de très belles choses ; la ligne de chant est impeccable, la tessiture parfaitement maîtrisée, la diction excellente. Excellent également le ténor Romain Champion qui chante son premier air « Comfort ye … Ev'ry valley » avec un aplomb remarquable. Cette belle assurance lui permet de faire des variations sans excès ni fioritures tant dans le récitatif que dans l'aria ; le jeune homme séduit tout autant dans la seconde partie (Passion) dans laquelle il interprète avec talent les deux airs qui lui sont attribués. Repéré par William Christie et Paul Agnew qui l'ont intégrés au Jardin des Voix (édition 2013), la jeune basse Cyril Costanzo se montre tout aussi brillant que Jean Michel Fumas. La voix est ferme, la ligne de chant impeccable, la large tessiture parfaitement assumée ; et si l'air d'entrée « The people that walked in darkness » est remarquable, c'est surtout dans « The trumpet shall sound » qu'il déroule avec autorité une voix sonore et somptueuse.

Si nous regrettons que Daniel Cuiller ait choisi des tempos parfois trop lents, notament pour l'interprétation de l'Allelluia et de l'Amen final, c'est une version très honorable du Messie que nous avons pu écouter en l'abbaye de Fontevraud. Si le quatuor invité par le chef d'orchestre manquait d'une soprano à la hauteur, malgré une très belle seconde partie, nous avons entendu quatre belles voix. Pour remercier un public conquis et très enthousiaste, l'ensemble concède deux bis - bis pour lesquels les solistes ont rejoint le choeur - : l'Allelluia et le « Glory to God in the hightest ».

Compte rendu, concert. Abbaye royale de Fontevraud. Auditorium, le 7 décembre 2019. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Le Messie (version de 1750). Michiko Takahashi, soprano ; Jean Michel Fumas, contre ténor ; Romain Champion, ténor ; Cyril Costanzo, basse. Choeur Aria Voce, Schola de la cathédrale Saint Pierre et Saint Paul de Nantes, ensemble Stradivaria. Daniel Cuiller, Direction.

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