Un opéra à la montagne : La serva padrona présentée dans le cadre des estivales du Freney d’Oisans


Né en 2000 pour permettre à la jolie petite église Saint Arey du Freney d’Oisans, situé à quelques encablures de l’Alpe d’Huez – dans le département de l’Isère - , de se pourvoir d’un orgue, le festival « Les estivales du Freney » a pris sa place dans le paysage culturel local. Lorenzo Cipriani, son dynamique directeur artistique programme chaque année des œuvres et/ou des compositeurs souvent méconnus. Mais pour la 23e édition du festival, il a poussé les choses plus loin en programmant un opéra pour la première fois de son histoire. Et c’est un opéra bouffe de Giovanni Battista Pergolesi (1710-1736) que Lorenzo Cipriani a choisi de présenter au public : La serva padrona.


Mort à seulement 26 ans, Pergolèse a quand même eu le temps de laisser un beau corpus musical, dont un Stabat mater pour soprano et mezzo soprano, très vite devenu une pièce incontournable du répertoire baroque italien, et La serva padrona, l’opéra bouffe présenté sur le parvis de l’église Saint Arey en ce beau samedi soir de juillet. Pour permettre au public de suivre l’histoire, le livret a été traduit et son interprétation a été confiée à un duo de comédiens qui a parfaitement joué le jeu malgré quelques hésitations en fin de soirée. Le rôle de Uberto est interprété par Benoît Riou, qui arrivé au dernier moment, n’a pas eu le temps d’apprendre le rôle comme il l’aurait souhaité, il l’a donc interprété en s’aidant de la partition.


Une mise en scène simple mais efficace


La mise en scène de Vincent Cipriani est simple mais efficace. L’espace réduit ne permet pas de grandes circonvolutions mais autorise au moins les personnages à se croiser sans se télescoper. J’ai apprécié le travail de réflexion mené par Cipriani qui, à son jeune âge, a poussé chacun, tant chanteurs que comédiens, dans ses retranchements. Le jeu de mime entre les deux Vespone (Vincent Cipriani et Lyli-Rose Ougier) pendant l’ouverture est plaisant à regarder et a le grand mérite de « meubler » un moment pas toujours évident à mettre en scène. Cela étant dit, Vincent Cipriani est bien aidé par les décors et les costumes, parfaitement adaptés, d’Adeline Withnell. Les lumières naturelles du soir mettent agréablement en valeur un plateau très investi et méritant.


Un orchestre très réduit mais méritant


L’orchestre des estives ne compte qu’une petite dizaine de musiciens mais il se montre valeureux sous la direction avisée de Lorenzo Cipriani. Avec seulement deux violons, un alto, un violoncelle, une contrebasse et un clavecin, la mini phalange accompagne avec talent les deux artistes présents sur le plateau ; les nuances et les tempos sont soignés car Lorenzo Cipriani est très attentif à ne pas couvrir ses chanteurs. J’aurais néanmoins apprécié qu’il y ait un peu plus de musiciens, même amateurs de bon niveau, car, par contre, on avait parfois du mal à entendre l’orchestre en partie à cause du vent, encore bien présent en début de soirée.


Un plateau très investi et valeureux


Benoît Riou remplace au pied levé Gaétan Cavazzini, initialement invité à rejoindre la distribution. Son arrivée dans les Alpes au dernier moment ne lui a pas permis de travailler le rôle d’Uberto comme il l’aurait souhaité. Mais même s’il est aidé par la partition, Riou campe un Uberto de très belle tenue ; sa belle voix de baryton passe très bien partout et chaque récitatif, chaque air est interprété avec une belle autorité. C’est la jeune et séduisante soprano chinoise Gong Yihuan qui interprète le rôle titre de la servante maîtresse. La jeune femme prend un malin plaisir à « martyriser » son partenaire, tant elle est décidée à se faire épouser. La voix est parfaitement maîtrisée et passe partout y compris quand elle chante piano. En parallèle, les comédiens Geneviève Bernard (Serpina) et Hervé Lecoq (Uberto) interprètent le livret français avec un plaisir gourmand et une bonne humeur communicative. Et même s’il y a quelques hésitations en fin de soirée qui font sourire et le public et le comédien, la souffleuse, installée à côté de l’orchestre, est présente pour sauver la mise.


Si cette représentation de La serva padrona est une première aussi bien aux estivales du Freney que dans les alpages de l’Oisans, c’est aussi une très belle réussite tant chacun, comédiens, chanteurs, musiciens, équipe de mise en scène et bénévoles ont tout donné pour que la soirée se passe au mieux sur le parvis de l’église Saint Arey. Et le public ne s’y est pas trompé en réservant à l’ensemble des artistes un accueil enthousiaste. Il est à noter que nous retrouverons Gong Yihuan et Benoît Riou le 30 juillet prochain pour le dernier concert des estivales du Freney, qui se déroulera également en l’église Saint Arey, ou ils interpréteront les Magnificat de Francesco Durante (1684-1755) et d’Antonio Vivaldi (1678-1741) avec l’alto Alice Didier et le ténor Hervé de Saint Raymond.


Compte rendu opéra. Le Freney d’Oisans. Église Saint Arey, le 22 juillet 2023. Giovanni Battista Pergolesi (1710-1736) : La serva padrona intermezzo buffo en deux parties sur un livret de Gennaro Antonio Federico (?-1744). Benoit Riou, Uberto ; Gong Yihuan, Serpina ; Geneviève Bernard, comédienne, Serpina ; Hervé Lecoq, comédien, Uberto ; Lily Rose Ougier, comédienne, Vespona. Vincent Cipriani, mise en scène / Vespone (rôle muet) ; Adeline Withnell, costumes, décors, régie. Orchestre des estives ; Lorenzo Cipriani, direction.


Crédit photo église Sait Arey du Freney d'Oisans : Edouard Hue

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