Une Passion selon Saint Jean inoubliable au Théâtre Auditorium de Poitiers
En
cette période de carême, nous sommes à la mi-temps de ce temps de
recueillement, le Théâtre Auditorium de Poitiers a eu la bonne idée
de programmer la Passion selon Saint Jean de Jean Sébastien Bach
(1685-1750). Pour une telle œuvre, les responsables du TAP ont
invité l'ensemble suisse Gli Angeli dirigé par la basse genevoise
Stephan McLéod. Si la première version de la Saint Jean a été
composée pour le vendredi saint de l'année 1724, soit moins d'un an
après son arrivée à Leipzig, Bach l'a remise plusieurs fois sur le
métier, entre 1725 et 1749.
Ensemble
à géométrie variable, l'ensemble Gli Angeli arrive avec une petite
dizaine de chanteurs et une quinzaine de musiciens. L'ensemble joue
ainsi le chef d’œuvre de Bach dans une configuration à peu près
identique à celle dans laquelle elle a été créée. On notera que
McLéod chante en même temps qu'il dirige ; la performance et
d'autant plus remarquable que la partition, toute retravaillée
qu'elle ait été à chaque reprise n'en est pas moins redoutable.
D'autant que les huit chanteurs interprètent la totalité de la
partition, les solistes sortant du rang entre deux chorals ou chœurs
pour chaque récitatif, dialogues, airs. La direction de Stéphan
McLéod est nerveuse, ferme, sobre, ; j'ai apprécié d'entendre la
musique du cantor de Leipzig si bien servie par un interprète qui
connaît visiblement son Bach sur le bout des doigts. La performance
est d'autant plus remarquable, que McLéod doit être attentif à
chacun et que l'exercice, pour périlleux qu'il puisse être, est
parfaitement réussi. En ce qui concerne les solistes, dont nous
savons qu'ils chantent la totalité de la partition, j'ai apprécié
de voir que Stephan MacLéod a réuni autour de lui de belles
voix et, surtout des chanteurs qui connaissent parfaitement leur
Bach. Et justement, McLéod, tout vigilant qu'il soit, absorbé par
le chant et la direction, n'en donne pas moins une très belle
démonstration de chant ; que ce soit dans les deux arie qui lui sont
dévolus ou dans les récitatifs, le chef genevois motive ses troupes
en donnant une interprétation de toute beauté. Si les deux
interventions du jeune contre ténor Terry Wey sont tout à
fait honorables, de même que celles de la soprano Alexandra
Lewandowska, c'est surtout le ténor italien Valério Contaldo
qui réalise la performance de la soirée. En effet, le jeune homme a
accepté de remplacer le ténor initialement prévu pour interpréter
l'évangéliste ; il est donc en ce lundi soir le seul à avoir
chanté la partition intégrale. Si l'on acte que la performance est
remarquable au vu de la difficulté de cette Passion, on peut quand
même regretter qu'aucune annonce concernant ce changement, non
négligeable, n'ait été faite en début de soirée. La basse
française Benoit Arnoult est
un Christ convaincant et autoritaire ; la voix est solide, saine,
mordante ; le régional de l'étape, Arnoult est le seul français de
la distribution, livre une très belle interprétation de sa partie.
L'orchestre accompagne le chœur et les solistes avec talent ; tout y
est pour une écoute réussie : nuances, style, grâce. Stephan
Macléod a monté un ensemble qui a su s'imposer sur la scène
internationale comme un excellent spécialiste de la musique baroque.
C'est
une très belle soirée que l'ensemble Gli Angeli a proposé à un
public venu nombreux. Cette Passion selon St Jean, plusieurs fois
reprise par Bach lui même, a séduit la salle qui a réservé un
accueil très chaleureux aux interprètes qui ont concédé un bis
avec plaisir. Bis annoncé par McLéod lui même ; en l'occurrence,
ils ont donné le choral final de la Saint Jean dans sa version de
1724. Ce choral, qui n'avait été donné qu'une seule fois du vivant
de Bach et jamais repris depuis.
Compte
rendu, concert. Poitiers. Auditorium, le 1er avril 2019. Jean
Sébastien Bach (1685-1750) : Passion selon Saint Jean. Alexandra
Lewandowska, soprano; Valério Contaldo, ténor
(évangéliste et airs) ; Terry Wey, contre ténor ; Benoit
Arnoult, basse (Christ). Ensemble Gli Angeli, Stéphan McLéod,
basse (Ponce Pilate) et direction.
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