Albane Carrère : Une carrière sous le signe de la musique contemporaine
C'est
en mai 2016, alors qu'elle s'apprêtait à chanter le rôle principal
féminin dans Senza Sangue, un opéra contemporain, composé et
dirigé par Peter Eötvös, que la mezzo-soprano française Albane
Carrère nous a accordé une interview téléphonique. Sanza sangue,
déjà créé en version concert, était créé en version scénique
lors de cette période charnière pour la mezzo française. Au cours
de cette entrevue, nous avons évoqué sa carrière, Sanza sangue et
ses projets.
Carrière
: de Vienne (Autriche) à Paris
«Je
suis née à Vienne (Autriche), j'ai grandi en Belgique, où j'ai
fait toutes mes études scolaires et universitaires, et je suis
française.» nous dit Albane Carrère dont le parcours très
européen va se révéler capital dans son parcours universitaire et
dans sa jeune carrière. «J'ai fait mes études au Conservatoire
Royal de Bruxelles; c'est mon professeur de chant qui m'a poussée et
qui m'a fait faire mes premiers récitals alors que j'étais encore
étudiante » poursuit la jeune femme qui reste cependant très
consciente des aléas de son métier : «Parallèlement à mes études
musicales (chant, solfège et clarinette) j'ai poursuivi des études
de sociologie et obtenu une maîtrise dans ce domaine. A l’Ecole
Européenne de Bruxelles, j'ai appris quatre langues étrangères;
cela est très utile quand on est artiste lyrique car on aborde des
œuvres en italien, allemand, français, anglais, voire en russe ou
en tchèque » nous dit-elle avant de conclure : «La Belgique a une
valeur particulière pour moi car j’y ai aussi fait mes débuts à
l’opéra dans le rôle de Mallika dans Lakmé (Opéra de Gand);
j'ai chanté Thérèse (Massenet) à l’Opéra de Liège, puis Adine
dans la création La Dispute (B.Mernier) au Théâtre Royal de la
Monnaie ». La carrière d'Albane Carrère est désormais lancée et
les déplacements s'enchaînent en France bien sûr mais aussi en
Europe et jusqu'en Chine : «J'ai chanté Samantha dans La fugue de
Weissenberg au Festival de Lugano (Suisse) auprès de Martha
Argerich; ensuite je suis allée aux opéras de Rouen, Versailles,
Toulon, Tours, Reims, Nancy, Nantes, Metz, pour interpréter divers
rôles du répertoire classique au contemporain, comme Zerlina dans
Don Giovanni, La Seconde Dame dans La Flûte Enchantée, Mercedes
dans Carmen, Flora dans Traviata, ou encore Lucienne dans Die Tote
Stadt (Korngold), Mrs Grose dans The turn of the screw (Britten) et
Karolka dans Jenufa (Janacek). A Orange, j'ai chanté entre autres le
duo Don Giovanni/Zerlina avec Nicolas Cavallier dans le cadre de
Musiques en fête; j'ai repris ce duo quelques mois plus tard avec
Ruggero Raimondi pour l'émission Fauteuils d'orchestre (…) Cette
saison 2016 a été particulièrement riche en musique contemporaine,
avec le rôle du Renard dans La Petite Renarde Rusée de Janacek à
l’Amphithéâtre Bastille, La Tsigane dans Le Journal d’un
Disparu de Janacek en tournée et le rôle-titre de 'Donna' dans la
création mondiale en version scénique de Senza Sangue, de Peter
Eötvös.
Senza
sangue
«Je
viens de chanter le rôle de Donna en version concert au Gothenburg
Concert Hall (Suède) où j’ai eu la chance immense de remplacer
Anne Sophie Von Otter». C'est Peter Eötvös qui a composé Senza
sangue et qui en assure la direction musicale nous dit Albane Carrère
qui reprend pour nous l'argument de Senza sangue : « Mon personnage,
Donna, a été témoin de l'assassinat de toute sa famille lors d’une
guerre civile, quand elle était enfant. Mon partenaire, l’Uomo,
qui faisait partie des assassins, a découvert la petite fille mais
n'a rien dit, lui laissant ainsi la vie sauve. L’opéra commence
avec la tension claire d’une femme qui veut se venger et tuer
l’assassin des siens. Mais le rapport victime/bourreau s’inverse
et s’égalise au fur et à mesure de l’opéra. On découvre deux
être «nus», extrêmement seuls, et qui n’ont cessé de penser
l’un à l’autre, leur destin étant à jamais lié depuis le jour
du drame, dans une forme de coup de foudre étrange je crois. Ils
finissent par aller dans un hôtel; et comme l'opéra s'achève sur
cette scène, le public peut imaginer la suite librement. Interpréter
un tel personnage rare de complexité est pour moi extraordinaire»
Avant de poursuivre: «Après la création scénique à l’Opéra
Grand Avignon, Senza sangue sera diffusé en direct sur Arte Concert
lors de la reprise de la production au Théâtre National de
Budapest. »
Projets
Albane Carrère ne manque
ni de projets ni d'ambition : «Dès la fin de Senza sangue, je
chante Mercedès dans Carmen. Après, je pars à Pécs (Hongrie) pour
une reprise de Senza sangue, puis je chanterai The Fairy Queen
(Purcell) et ensuite Le Journal d'un disparu (Janacek). Après quoi,
j'irai à l’opéra de Saint-Etienne pour y chanter Norma (rôle de
Clotilde). J’ai aussi deux disques en projet cette année : un
disque Mozart avec le trio Les Flamands Noirs et un disque Schubert
avec le quatuor Alfama à Bruxelles.».
Jeune
artiste au potentiel remarquable, Albane Carrère, dont la carrière
a pris son envol grâce à la musique contemporaine, pourrait devenir
rapidement l'une des grandes mezzos de sa génération.
Depuis
2016, Albane Carrère a poursuivi sa carrière avec talent en France
(Bordeaux, Lille, Avignon, Rouen, Paris, Orange (chorégies) ...) et
à l'étranger (sultanat d'Oman, Suède (Gothenburg), Hongrie
(Budapest) …). Albane Carrère qui,
pendant la saison en cours a chanté Cherubino à l’opéra
d’Avignon, Les nuits d’été de Berlioz au Théâtre des
Champs-Élysées puis le Cosmicomiche, à l’Opéra de Toulon (une
création contemporaine de Michèle Reverdy) a de nouveaux projets
tant en France qu'en Italie ou au Japon : Andrea Chenier au Théâtre
Verdi de Trieste (rôle de Bersi), une création de Karol Beffa au
Festival Berlioz, La Traviata en tournée au Japon (rôle d'Anina) et
Les Petites Noces au Théâtre des Champs-Elysées puis aux Opéra de
Rouen, Avignon et Toulon (rôle de Chérubin). Enfin, elle tiendra
encore le rôle principal dans une création de Jean-Luc Fafchamps
cette fois, au Festival Ars Musica à Bruxelles. De beaux projets
dans lesquels la musique contemporaine est toujours aussi présente
tout en enrichissant un répertoire varié dont on ne peut que saluer
la diversité.
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