Gens/Herreweghe : un duo de choc pour un programme Wagner/Bruckner


Après un superbe concert Mozart donné en octobre, l'Orchestre des Champs Élysées revient au Théâtre Auditorium de Poitiers avec, cette fois, un programme consacré au romantisme allemand avec des œuvres de Richard Wagner (1813-1883) et Anton Bruckner (1824-1896). Pour défendre les Wesendonck lieder, Philippe Herreweghe a invité une de nos meilleures artistes lyriques : Véronique Gens. Cette très belle artiste, connue pour participer activement au défrichage du répertoire français avec des chefs comme Hervé Niquet ou Christophe Rousset par exemple, prête sa voix à une œuvre non pas opératique mais mélodique de Richard Wagner(1813-1883). Lequel Wagner a, fait exceptionnel, composé sur des poèmes écrits par Mathilde Wesendonck qui est aussi la dédicataire du cycle. Cela sera l'unique fois qu'il composera sur des textes qu'il n'a pas écrits lui même ; ce cycle qu'il nomme lui même «Études pour Tristan et Isolde» a pourtant une existence propre même si le cycle, plus connu sous son titre actuel, est assez peu donné en récital.

Mélodiste de talent, elle a enregistré plusieurs CDs de mélodies françaises, Véronique Gens, qui aborde l'unique cycle de Lieder de Wagner pour la première fois, interprète les Wesendonck lieder avec sobriété. Chaque mot est ciselé avec une précision d'orfèvre, chaque note est travaillée, modelée, chantée avec sensibilité. L'Orchestre des Champs Élysées et Philippe Herrewheghe accompagnent Véronique Gens avec sobriété et élégance. La direction souple et énergique de Philippe Herreweghe permet à Véronique Gens de s'approprier les Wesendonck lieder sans coup férir. Tout y est pour séduire le public : style et phrasé élégants, ligne de chant impeccable, voix saine, solide. Associée à un Orchestre des Champs Elysées quasi parfait aussi bien dans les introductions que dans les accompagnements de chaque lied, Véronique Gens livre une vision idéale des Wesendonck lieder. Séduit le public, malheureusement moins nombreux que d'habitude, réserve un accueil si chaleureux à Véronique Gens qu'elle concède un bis en reprenant le dernier lied du cycle.

Au retour de l'entracte, l'Orchestre des Champs Élysées entame la Symphonie N°4 «Romantique» d'Anton Bruckner (1824-1896). Bruckner ne connaissait pas seulement le travail de Wagner, il avait rencontré son collègue, et cette rencontre va avoir un impact considérable sur le travail à venir du compositeur autrichien. Comme les autres symphonies qu'il composa, Bruckner remit la «Romantique» sur le tapis à plusieurs reprises. C'est la version de 1880 de cette symphonie majestueuse que Philippe Herreweghe a choisi de présenter en ce mercredi soir. Les quatre mouvements de la «Romantique» outre la mention coutumière du tempo mention de tempo portent des titres ce qui arrive parfois. Je découvrais l’œuvre de Bruckner à l'occasion de ce concert, je n'ai donc aucun point de comparaison ; cela étant dit, la direction de Philippe Herreweghe est nerveuse, dynamique, souple. Et même si la longueur du chef d’œuvre de Bruckner, cinquante-cinq à soixante minutes, peut rebuter un public parfois néophyte, Herreweghe donne une lecture énergique de cette symphonie hors norme tant par sa durée exceptionnelle, une heure environ, que par la variété et la richesse de ses thèmes. Mais c'est le troisième mouvement, évoquant les suites d'une partie de chasse, qui entraîne le public dans les souvenirs plus ou moins brumeux d'une chasse à courre ; et la direction ferme et dynamique d'Herreweghe nous aide bien à entrer dans ce tableau de chasse très coloré.

L'Orchestre des Champs Élysées a donné en ce mercredi soir un très beau concert de musique romantique allemande. La présence de Véronique Gens pour interpréter les Wesendonck lieder est un argument de poids ; en effet cette excellente artiste sert avec sensibilité, précision et rigueur un répertoire certes exigeant mais jamais monotone. Et l'association entre Véronique Gens et Philippe Herreweghe fait de l'unique cycle de lieder de Wagner le point fort du concert.

Compte rendu concert. Poitiers. Auditorium le 14 novembre 2018. Richard Wagner (1813-1883) : Wesendonck lieder ; Anton Bruckner (1824-1896) : symphonie N°4 en mi bémol majeur «Romantique». Véronique Gens, soprano ; Orchestre des Champs Elysées. Philippe Herreweghe, direction

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