Michele Pertusi : une vie au service de la musique


A l'occasion de sa venue à la philharmonie de Paris, ou il chantait le requiem de Verdi courant février, Michele Pertusi a accepté de nous accorder une entrevue au cours de laquelle nous avons évoqué sa carrière, le requiem de Verdi, le festival Verdi de Parme et ses projets.

Une carrière bien remplie

«J'ai grandi dans une famille de mélomanes; nous écoutions beaucoup de disques et la radio; quand nous allions à l'opéra, nous étions au milieu des «loggionisti».» nous dit Michele Pertusi qui poursuit : «J'avais quinze ans quand je suis devenu choriste; j'ai rapidement chanté avec les plus grands artistes sur la scène du teatro regio de Parme. J'étais très enthousiaste, et quand je suis entré dans la classe de chant de Carlo Bergonzi, il tentait de tempérer mon enthousiasme : «ne crie pas autant» me disait il alors.». Après avoir terminé ses études au conservatoire de Parme, Michele Pertusi passe plusieurs concours et notamment le concours «Voci verdiane» qui lui ouvre rapidement les portes des grandes scènes lyriques italiennes : «J'ai commencé ma carrière professionnelle le même jour qu'Anna Catarina Antonacci car nous chantions dans le même concert; c'était en juillet 1984. Un peu plus tard, toujours en 1984, j'ai chanté mon premier opéra : Ernani.». Il poursuit : «J'ai eu de la chance; je suis actuellement dans ma trente deuxième année de carrière. Ceci étant dit je me considère comme un serviteur de la musique; faire de la musique juste pour la musique sans transmettre aucune émotion ne m'intéresse pas. C'est une vocation avec ses avantages et ses contraintes.». Et lorsque nous évoquons son changement progressif de répertoire, la réponse est claire et sans appel : «Le corps change, la voix évolue et je me sens moins à l'aise dans les cabalettes rossiniennes, celle d'Alidoro (La cenerentola; Rossini), par exemple, demande non seulement une mobilité importante, mais aussi un souffle et une dynamique très forts, par rapport à il y a une dizaine d'années.». Et en ce qui concerne la mise en scène il nous dit : «A priori, je n'ai rien contre une mise en scène moderne; cependant il me paraît indispensable qu'elle respecte la musique et le chant. «Bel Canto» signifie «Beau Chant»; si la mise en scène abîme la musique et le chant cela n'a aucun intérêt à mes yeux.»

Le requiem de Verdi

C'est une œuvre que Michele Pertusi connaît bien. Et pourtant il nous confie : «J'ai chanté mon premier requiem de Verdi en 1993 sous la direction de Riccardo Chailly. Quelques mois plus tard j'ai chanté deux autres requiem toujours avec Chailly. Je n'ai plus chanté le requiem pendant une vingtaine d'années; et depuis trois ans, avec les deux concerts de la philharmonie, j'aurai chanté une vingtaine de concerts pour une dizaine de productions. C'est une œuvre grandiose, exigeante que j'aime beaucoup; la musique de Verdi reste très opératique mais elle est aussi très solennelle, très dense, très forte. Et puis Gianandrea Noseda est un excellent musicien et un chef attentif aux artistes avec lesquels il travaille. J'apprécie de travailler avec lui car il ne se contente pas de se focaliser sur un travail d'ensemble; il nous pousse dans nos retranchements en nous demandant d'écouter aussi les répétitions d'orchestre en amont des concerts.».


Le festival Verdi de Parme

Le festival Verdi de Parme se déroule chaque année en octobre, mois de naissance du compositeur (né le 10 octobre). Lui aussi natif de Parme, Michele Pertusi s'y produit soit en récital, comme lors de l'édition 2015, soit dans un opéra, ça sera le cas en 2016 avec Don Carlo. Dans cette production de la version en quatre actes, celle de Milan, il chantera Filippo II : «C'est une très belle prise de rôle que m'a proposé la direction du Teatro Regio de Parme. Filippo n'est pas un rôle très long, mais dense et très fort émotionnellement. Pour ce rôle, mon modèle est le grand Cesare Siepi; je n'ai pas la prétention de l'imiter, cela serait dangereux, malsain et inapproprié. En revanche, pour le verbe, l'interprétation, il est exceptionnel.» nous dit Michele Pertusi qui poursuit : «J'ai aussi beaucoup d'admiration pour les Filippo de Ferruccio Furlanetto et de Roberto Scandiuzzi qui donnent à ce personnage une dimension terriblement humaine et complètement coupée du reste du monde.» Et poursuivant sur sa lancée : «C'est Daniel Oren qui dirige Don Carlo et la distribution réunie pour cette production est intéressante, bien que je ne connaisse pas Marianne Cornetti (Eboli) avec qui je n'ai jamais eu l'occasion de chanter.». Après le personnage de Padre Guardanio (La forza del destino) en 2014 c'est la seconde prise de rôle importante que le Teatro Regio de Parme propose à Michele Pertusi dans le cadre du festival Verdi.

Les projets

Très sollicité, Michele Pertusi ne manque pas de projets : «Avant de venir à Paris pour le requiem de Verdi j'étais à Bologne pour chanter la 9e symphonie de Beethoven. Je repars à Turin dès dimanche soir pour préparer Simon Boccanegra que nous chanterons ensuite trois fois à Hong Kong. Après je vais à Zurich pour I puritani puis de nouveau à Turin. En effet deux des productions du Regio de Turin seront présentées au festival de Savonlinna (Finlande); en ce qui me concerne, je chanterai Oroveso dans Norma, un rôle que j'ai ajouté à mon répertoire en 2013. Après le festival Verdi, j'irai à Toulouse en 2017 pour Ernani; cela fait plus de vingt cinq ans que je n'ai pas chanté cet opéra.» nous dit Pertusi qui poursuit : «Toujours en 2017, je chanterai Don Carlos à Lyon; ainsi, après la production parmesane de Don Carlo, j'aurai Filippo et Philippe à mon répertoire. En 2018 j'irai à l'Opéra de Paris pour Don Pasquale que je chanterai avec, entre autres, le jeune baryton français Florian Sempey.». Après un passage au Rossini Opéra Festival ou il a chanté Don Basilio dans Il barbiere di Siviglia, Michele Pertusi, fidèle à sa ville de naissance, chantera au festival Verdi de Parme en octobre 2018 dans Macbeth (rôle de Banco), Attila (rôle titre pour la dernière représentation) et pour le gala verdiano le 10 octobre, jour anniversaire de Giuseppe Verdi. Pour la saison qui s'annonce il chantera aussi Don Pasquale à Vienne (Autriche) et Paris, I masnadieri à Valence (Espagne) et Milan et le requiem de Verdi à Parme pour deux soirées en mai 2019.

Artiste attachant et belcantiste reconnu, notamment pour ses interprétations des œuvres de Rossini, Bellini, Donizetti ou Verdi, Michele Pertusi parle avec amour de son métier et beaucoup de respect de ses collègues. Si depuis plusieurs années son répertoire tourne autour des romantiques italiens, n'oublions pas, non plus, l'importante contribution qu'apporta Pertusi, à ses débuts, au répertoire mozartien et à la mélodie.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Francesco Durante et Antonio Vivaldi au programme du dernier concert des Estivales du Freney

Un opéra à la montagne : La serva padrona présentée dans le cadre des estivales du Freney d’Oisans

La harpe et la bête : un concert original en ouverture de la saison du Théâtre Auditorium de Poitiers