Quand l'ensemble Jacques Moderne navigue au long de la Loire

 


Après un concert de très haute volée en l'église Saint Julien de Tours avec un programme Jean Sébastien Bach (1685-1750) / Domenico Scarlatti (1685-1757), l'ensemble Jacques Moderne reprend un programme qu'il a créé en 2018 et gravé dans la foulée (1 CD paru en 2019 sous le label Mirare ). Situé à une dizaine de kilomètres d'Amboise et de son château royal, le petit village de Saint Ouen les Vignes compte un millier d'habitants et possède une charmante petite église dans laquelle est donné le concert. Concert « à risques » puisque les douze chanteurs qui composent l'ensemble en ce pluvieux dimanche après-midi chantent A Cappella. Le programme est composé d'oeuvres religieuses et profanes entrecoupées des enregistrements sonores réalisés au long de la Loire par l'audio naturaliste Boris Jollivet. L'autre particularité du programme est que nous ne voyons sur le programme de salle que des compositeurs français qui ont vécu aux XVe et XVIe siècles dans cette belle partie de la Touraine qui est devenue le département d'Indre et Loire.



Après que le président de l'association organisatrice du concert ait rappelé les consignes et présenté l'ensemble Jacques Moderne et son directeur musical et artistique, Joël Suhubiette s'avance devant l'autel et présente le programme, sur lequel il a beaucoup travaillé en amont des concerts en collaboration avec l'audio naturaliste Boris Jollivet. Dès le début du concert, avec Source, c'est le charmant petit clapotis de la source de la Loire, enregistré par Jollivet, qui se fait entendre dans l'église ; cet apaisant clapotis met d'emblée le public dans l'ambiance méditative vers laquelle tend le programme proposé par l'ensemble Jacques Moderne en ce froid dimanche après-midi. Le concert en lui même débute par un extrait du célèbre Manuscrit du Puy (XIIe-XVIe siècles) débuté au XIIe siècle et complété au fil du temps jusqu'au XVIe siècle ; c'est un Introïtus – Exultantes in partu virginis que les douze chanteurs entonnent en arrivant dans le choeur. Si nous saluons une nouvelle fois la direction souple, nerveuse, ferme de Joël Suhubiette visiblement très en forme, nous tenons également à saluer la superbe performance de l'ensemble des chanteurs qui, en chantant A Cappella, relèvent brillament un défi périlleux. Après une sonore Volée de cloches nous saluons la très belle interprétation des deux extraits de la « Missa « Fors seulement » (Kyrie ; Intermerata Dei Mater) de Jean de Ockeghem (vers 1420-1497) ; nous relevons également la superbe version de quatre chansons profanes (Quand contremont verras, Herbes et fleurs, Bel aubépin bondissant, Le rossignol) de Clément Janequin (1485-1558) interprétées à quatre voix et avec beaucoup de panache. Des œuvres de Jean Mouton (1459-1522) on retiendra surtout l'interprétation à trois voix de femmes de Nesciens mater Virgo virum ; interprétation qui est de toute beauté tant les voix dialoguent avec naturel et sans efforts.


En ce froid et pluvieux dimanche après-midi nous avons assisté à un nouveau concert de très haute volée de la part de l'ensemble Jacques Moderne. L'originalité de ce programme tient aussi à l'adjonction d'enreistrmments sonores réalisés par l'audio naturaliste Boris Jollivet au long de la Loire, fleuve plein de surprises, toujours changeant, toujours inattendu. Joël Suhubiette, son directeur musical et artistique, travaille sans relâche en amont de chaque répétition, de chaque concert pour découvrir de nouvelles œuvres, de nouveaux compositeurs largement méconnus. Dans le programme « Au long de la loire », les inconnus « de service » étaient Antoine de Févin (1470-1512) et Pierre Certon (1515-1572). Cela étant dit, la musique ancienne regorge de pépites dont nous ne doutons pas que Joël Suhubiette et ses musiciens ne manqueront pas de nous régaler dans de prochains programmes.


Compte rendu, concert. Saint Ouen les Vignes. Eglise, le 25 octobre 2020. [Source] Manuscrit du Puy (XIIe-XVIe siècles) : Introïtus – Exultantes in partu virginis ; [volée de cloches] ; Jean de Ockeghem (vers 1420-1497) : Missa « fors seulement » - Kyrie, Intermerata Dei Mater ; Jean Mouton (1459-1522) : Missa « Quem dicunt homines » - Gloria ; [Doux grincements des branches entremêlés du chant des grillons. Passage d'un Héron cendré] ; Clément Janequin (1485-1558) : Quand contremont verras, [grillons des champs sur les rives], Herbes et fleurs, [Sur une île … un Pic Epeiche tambourine], Bel aubépin bondissant, Le rossignol ; [Le chant du rossignol philomèle. Vendanges, cliquetis des sécateurs puis le son d'une infiltration d'eau dans une prairie inondée] ; Fabrice Caietain (1540-1578) : La terre va les eaux boivant ; [Alytes, aussi appelés crapauds accoucheurs] Pierre Certon (1515-1572) : Vignon vignette ; [Pigeage : pratique manuelle lors de la vinification, le pigeage consiste à enfoncer le marc qui flotte à la surface. Après un orage, deux cygnes s'envolent] ; Clément Janequin (1485-1558) : Etant assis aux rives aquatiques, Missa super « La bataille » Santus-benedictus ; [choeur d'Oechantus : grillons] ; Jean Mouton (1459-1522) : Nesciens mater Virgo virum ; [Grincement de cordage sur une toue (bateau traditionnel de la Loire)] ; Antoine de Févin (1470-1512) : Missa « Pro fidelibus defunctis » Requiem- Introïtus ; : Quis dabit oculis nostri – déploration sur la mort d'Anne de Bretagne ; Anonyme : Dedans la mer ; [Le chant du Courlis cendré et corne de brume puis le ressac des vagues] ; Guillaume Faugues (1442-1475) : Missa « Je suis en la mer » Agnus Dei ; Pierre Certon (1515-1572) : Vignon vignette (bis). Boris Jollivet, audio naturaliste ; Sopranos : Cécile Dibon, Cyprile Meier ; Alti : Margot Mellolli, Léopold Laforge, Marc Pontus ; ténors : Marc Manodritta, Hugues Primard, Guillaume Zabe ; basses : Matthieu Le Levreur, Cyrille Gautreau, Christophe Sam.. Ensemble Jacques Moderne ; Joël Suhubiette, direction.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Francesco Durante et Antonio Vivaldi au programme du dernier concert des Estivales du Freney

Un opéra à la montagne : La serva padrona présentée dans le cadre des estivales du Freney d’Oisans

La harpe et la bête : un concert original en ouverture de la saison du Théâtre Auditorium de Poitiers