Mozart servi par un beau quatuor en la basilique Saint Sauveur de Rocamadour
Partant
de la petite chapelle de l'hospitalet, nous rejoignons, par
l'ascenseur incliné, la basilique Saint Sauveur qui est située au
cœur du sanctuaire de Rocamadour, cité mariale reconnue de longue
date et qui abrite une vierge noire connue pour être la protectrice
des marins ; c'est dans cette basilique qu'a lieu le dernier concert
de notre séjour amadourien. A l'occasion de ce programme, consacré
à Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), nous avons le privilège
d'écouter Sabine Devieilhe, qui est LA grande invitée de la soirée.
Après avoir écouté un très beau récital de musique sacrée
médiévale, nous revenons à un classique du genre avec la messe en
ut mineur de Mozart. Cette messe restée inachevée est précédée
de trois œuvres certes plus courtes mais tout aussi méditatives.
Le
concert débute avec un Kyrie indépendant de toute messe ou requiem
; celui ci a été composé pour chœur et orchestre. Le chœur de
chambre Meslimes et l'ensemble A Venti donnent à entendre une
version épurée d'un kyrie qui pousse le public à la méditation.
Le Grabmusik est plus conséquent car composé pour deux solistes
(soprano et baryton) chœur et orchestre ; si le choses commencent
bien, avec une très belle intervention de Jean Christophe Lanièce
très en voix, le premier aria de Violaine Le Chenadec est quelque
peu perturbé par les magnétophones des offices religieux que l'on
avait oublié d'éteindre (« Et Jésus est le fruit béni de vos
entrailles »). Malgré ce bref incident, La jeune soprano nous donne
de belles choses à entendre et le duo soprano baryton est fort bien
chanté. Pour terminer cette première partie, nous écoutons un
extrait des Vêpres solennelles d'un confesseur. Le Laudate Dominum
est attribué à la soprano soliste ; et c'est Sabine Devieilhe qui
arrive pour chanter ce petit bijou ; la voix de la jeune femme
s'envole sous les voûtes captivant un public venu nombreux.
L'interprétation sobre et pleine de sensibilité de Sabine Devieilhe
donne, outre le côté mystique, un côté mystérieux à ce Laudate
Dominum de toute beauté.
Au
retour de l'entracte, les artistes entament la messe en ut mineur qui
est LA pièce centrale du concert de ce samedi soir. Si elle fait
partie des œuvres majeures de Mozart, elle est restée inachevée ;
composée en 1783, elle a été créée lors de l'ultime voyage de
Wolfgang en 1784 à Salzbourg qui voulait présenter Constance à son
père. Visiblement débordé par les commandes reçues et la «
gestation » de l'enlèvement au sérail composé et créé à la
même époque, le jeune compositeur n'a jamais pris le temps
d'achever son chef d’œuvre et n'a laissé aucune indication pour
qu'elle soit ressortie des tiroirs et achevée un jour. Pour se
rapprocher des conditions d’exécution de l'époque, surtout lors
des voyages qui permettaient aux œuvres d'être données dans de
nouveaux lieux, la partition a été transcrite pour orchestre à
vents. Dans un tel contexte, nous avons du mal à comprendre la
commande du chœur de chambre Meslimes à Eric Tanguy (né en 1968)
d'un Agnus Dei destiné à compléter une messe dont le « sort »
était de rester en l'état. Concernant le plateau vocal, nous avons
quatre solistes de grande qualité même si sabine Devieilhe domine
le quatuor de la tête et des épaules. On peut regretter que le
ténor Matthieu Chapuis ait
si peu à chanter, mais rappelons que la messe est restée inachevée
; quoi qu'il en soit, la voix semble solide, saine et parfaitement
maîtrisée. Nous avions déjà eu l'occasion d'entendre Jean
Christophe Lanièce lors de
l'interprétation du Grabmusik en première partie. Dans la messe il
nous donne de très belles choses à entendre et on apprécie une
belle voix de baryton. Mozart a composé sa messe en ut mineur pour
deux voix solistes de soprano, ténor et baryton ; et pour l'occasion Gildas Pungier a
invité Violaine Le Chenadec et Sabine Devieilhe avec Matthieu Chapuis et Jean Christophe Lanièce. Nous avions déjà
pu écouter la belle voix de Violaine Le Chenadec
malgré les brèves péripéties de la première partie ; elle donne
de très belles choses à entendre dans l'interprétation du chef
d’œuvre de Mozart que ce soit dans les arias qui lui sont
attribués que dans les ensembles. Nous regrettons un petit manque de
puissance tant la voix peine à parvenir au fond de la basilique et,
parfois, à s'imposer dans les ensembles. Ce n'est pas le cas de
Sabine Devieilhe qui
chante sa partie avec panache et sans jamais tomber dans l'excès. Si
nous apprécions grandement l'interprétation du Laudamus te déjà
excellente, c'est l'Incarnatus Est qui emporte tout sur son passage.
La puissance de la voix, la tessiture large, les nuances parfaites,
rien ne manque à l'interprétation idéale de ces deux arias. Gildas
Pungier dirige la messe en ut avec fermeté, sans fioriture ni
excès ; et d'ailleurs l'interprétation du chœur et de l'orchestre
est de très belle tenue. Les choristes, parfaitement préparés en
amont donnent une lecture idéale d'une partition apparemment simple
mais complexe et piégeuse ; quant à l'ensemble A Venti, qui ne
compte que huit musiciens, ils font montrent d'un professionnalisme
digne des meilleurs tant ils assument parfaitement la partie musicale
de la messe. La création mondiale de l'Agnus Dei (partie de la messe
non composée par Mozart) nous laisse sur notre faim ; il est chanté
A Cappella par le chœur et Sabine Devieilhe. Si cette interprétation
nous permet de saluer la parfaite préparation du chœur et de la
soliste qui ne tombent pas dans le piège tendu – est il utile de
rappeler que le chant A Cappella est d'une grande difficulté tant la
justesse, le rythme et une technique parfaite sont indispensables.
Seul Gildas Pungier, qui jusque la avait fait preuve d'une parfaite
maîtrise dans sa direction, dirige soudain dans tous les sens, avec
une gestuelle brouillonne et peu convaincante. Bref, l'ajout de cet
Agnus Dei se révèle inutile et sans intérêt.
Si
on peut regretter l'ajout d'un Agnus Dei contemporain, nous avons
assisté à un concert de très belle tenue grâce à des interprètes
excellents, notamment une Sabine Devieilhe en très grande forme. La
disposition des interprètes n'a, malheureusement pas tenu compte des
inconvénients du lieu, à commencer par l'imposant pilier qui a
empêché une grande partie du public de voir correctement l'ensemble des artistes (chœur, orchestre et solistes).
Compte
rendu concert. Rocamadour. Basilique Saint Sauveur, le 17 août 2019.
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Kyrie KV 341 ; Grabmusik
KV 42 ; Laudate Dominum KV 339 (extrait des Vêpres solennelles d'un
confesseur); Messe en ut mineur KV 427 ; Ave Verum Corpus (bis) ;
Eric Tanguy (né en 1968) : Agnus Dei (création mondiale).
Sabine Devieilhe, soprano ; Violaine Le Chenadec, soprano ; Matthieu
Chapuis, ténor ; Jean Christophe Lanièce, baryton. Choeur de
chambre Meslimes ; ensemble A Venti. Gildas Pungier, direction.
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